INTERVIEW : Les vacances selon Philippe Starck

Venise, le cap Ferret, Formentera… Philippe Starck est un nomade des bords de mer. Sous un regard iconoclaste sur le monde tel qu’il va, le designer star pointe la tendresse pour son île de cœur, Formentera, dont il révèle les secrets cachés…

 

Votre mode de transport favori ?
L’esprit, car il est illimité et la batterie n’est jamais vide.

Une histoire qui vous est arrivée dans un avion ?
Je pilotais. Je me suis écrasé. J’ai beaucoup ri !

La compagnie aérienne que vous préférez ?
Air France, bien sûr. Le personnel est comme la famille : charmant, bien élevé et le champagne est toujours à bonne température.

Comment imaginez-vous l’avenir des transports ?
Le transport des corps est une vieille idée, elle est liée à une autre vieille idée qui est le tourisme. Les Occidentaux ne voyageront bientôt plus pour le plaisir et les Asiatiques – plus intelligents que nous –, parce qu’ils constituent le prochain marché, arrêteront aussi bientôt. Le tourisme en tant que tel disparaîtra. Il sera remplacé par du dépaysement de proximité.

Quel est selon vous le meilleur roman de voyage ?
Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson. C’est un voyage sans voyage, un voyage immobile. L’auteur part loin, en Sibérie. Pour finalement s’enfermer avec lui-même dans une cabane de trois mètres sur trois. Il rend l’effet déstabilisant et fertile du voyage, en évitant l’anecdote qui distrait du principal : son propre voyage mental.

Le film qui parle le mieux de l’ailleurs ?
Les Ailes du désir, de Wim Wenders, pour les anges d’ailleurs. Et Inception, de Christopher Nolan, pour les mondes parallèles.

Votre plus beau voyage ?
Chaque nuit, je vole dans des lieux inconnus et quelquefois merveilleux, mais toujours créativement stupéfiants.

Ce qui vous gêne le plus dans le voyage contemporain ?
Le tourisme est une forme moderne et admise du colonialisme, qui était lui-même une forme civile d’envahissement.

Que voudriez-vous changer dans l’hôtellerie ?
J’aimerais que l’obséquiosité soit remplacée par la sympathie et le design par la vie.

À quel défi devra répondre l’hôtellerie du futur ?
Dans un futur proche, elle devra s’« asiatiser » presque à 100 % avec des modes et des coutumes assez éloignées des nôtres. Dans un avenir plus lointain, elle devra faire face à sa disparition, car l’hôtellerie d’affaires subira le même sort que le tourisme.

Le voyage que vous rêvez de faire ?
Je rêvais d’aller au pôle Nord. Je l’ai fait, je n’y retournerai pas. Comme on peut s’y attendre, il y fait vraiment froid. Mais à ce point-là, on ne s’y attend pas. Mon rêve est de prendre une carte de France, de me bander les yeux, de faire tourner la carte, de pointer un doigt sur une destination et de m’y rendre, quelle qu’elle soit.

L’explorateur qui vous impressionne le plus ?
Stanley et Livingstone, deux mercenaires tueurs, assassins de près de 20 millions de personnes, sont devenus des héros dans les manuels d’école. C’est une leçon pour tous les dictateurs psychopathes.

Où se cache la ville du futur ?
Dans les cavernes des mormons, entre autres, ou dans d’autres cavernes où sont aujourd’hui stockés des milliards de semences agricoles, de codes génétiques, d’informations. Ces cavernes glaciales sont à la fois notre mémoire et notre futur.

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