Toiles de Mayenne, entre tradition et adaptation

Depuis deux cent dix ans, la manufacture s’est installée dans un magnifique village de Mayenne et y fabrique encore ses tissus dans la plus pure tradition.

La Mayenne est surprenante. En traversant ce département, la première impression est celle d’un grand calme, où les champs succèdent aux champs. Ces terres agricoles sont toutefois ponctuées de châteaux (le département en comprendrait le plus grand nombre de France), comme autant d’indices que la modeste Mayenne cache bien son jeu. Car, sous ses apparences effacées, elle compte quelques gros faiseurs de l’industrie, dont Lactalis, premier groupe laitier et fromager au monde. Cette discrétion se retrouve à Fontaine-Daniel. Ce petit village situé à quelques kilomètres de Mayenne, la sous-préfecture du département, est le berceau des Toiles de Mayenne, fabricant français de tissus d’ameublement labellisé « entreprise du patrimoine vivant » en 2008. Ses fondateurs ont choisi ce lieu hors du temps pour y implanter l’entreprise en 1806, dans une abbaye cistercienne du XIIIe siècle abandonnée après la Révolution. La manufacture a grandi en même temps que le village, avec la construction de bâtiments plus appropriés à la filature, puis au tissage et à la teinture. Dès 1832, les dirigeants y ont aussi bâti des logements pour les familles ouvrières. L’un des dirigeants, Jean Denis, très impliqué dans les questions sociales, a tout mis en œuvre pour que les employés puissent vivre dignement, allant jusqu’à renoncer aux dividendes, ce qui est encore le cas aujourd’hui. L’argent a ainsi servi à financer la construction du village, de l’usine et même d’une chapelle. L’homme s’est également intéressé à l’agriculture biodynamique.

Grégoire Denis (à gauche), le directeur des Toiles de Mayenne, et son frère Raphaël, en charge des services généraux, des finances et du personnel, représentent la sixième génération à la tête de l’entreprise.
Grégoire Denis (à gauche), le directeur des Toiles de Mayenne, et son frère Raphaël, en charge des services généraux, des finances et du personnel, représentent la sixième génération à la tête de l’entreprise. Adeline Bommart

Un modèle raisonné pour des produits accessibles
Ce respect de l’environnement et du personnel reste ancré. Toiles de Mayenne n’ambitionne pas de devenir le plus gros fabricant de tissus de France. Il a choisi un modèle raisonné, mais parfaitement efficace. En 1960, l’éditeur délaisse le tissu d’habillement, totalement arrêté en 2005, pour se concentrer sur celui d’ameublement. Il en fera de même plus tard avec la teinture, activité trop polluante, laissée à des entreprises spécialisées. À Fontaine-Daniel est tissé un tiers de la production. Le reste est confié à des structures en France, en Italie et en Belgique. En 2009, la manufacture a ouvert ses portes à la créatrice Sophie Mallebranche, qui y fait réaliser ses tissus métalliques, et depuis trois ans à Pietro Seminelli, le grand spécialiste du pli. Agile, l’entreprise s’adapte en permanence aux besoins du marché, « quitte à arrêter un modèle qui ne fonctionne pas, indique Grégoire Denis, son président et l’un des trois dirigeants. Grâce à cette attitude, et à un stock important, nous avons livré l’an dernier 99,61 % des commandes sous vingt-quatre heures ! »

Diaporama : Visite à la manufacture Toiles de Mayenne

L’autre spécificité de Toiles de Mayenne est de ne pas se contenter d’être éditeur. L’entreprise distribue ses créations via son réseau partenaires et de points de vente, dont le premier a vu le jour en 1968, à Montfort-l’Amaury, dans les Yvelines. Mais c’est dès 1948 que le grand-père de Grégoire Denis a lancé la vente par correspondance, pour permettre à la classe moyenne de se fournir en tissus d’ameublement, puis la confection sur mesure dès 1952, avec une offre de rideaux, coussins, dessus de lit qui continue à faire la force de la marque. Aujourd’hui, le réseau couvre le territoire national, entre boutiques en propre et franchises, et se déploie à l’international, avec des corners dans le monde entier. Résolument tourné vers le service, Toiles de Mayenne développe également le conseil en décoration et a ouvert, depuis trois ans, son atelier de tapisserie pour rénover les assises et têtes de lit. L’entreprise a même étendu sa gamme de canapés et entend accroître l’offre et les ­services, pour tisser des liens encore plus étroits avec ses clients.

Toiles de Mayenne en chiffres

  • Année de création : 1806
  • Usine : 1 400 m2 – Atelier de confection : 600 m2
  • Effectif : 122 personnes (équivalant à 98 temps pleins. Production, confection et magasins)
  • Points de vente : 13 boutiques en propre, 3 franchisées et 55 partenaires en France ; 32 corners à l’étranger
  • Production : 28 000 mètres tissés par an ; 550 tissus en collection
  • Chiffre d’affaires 2015 : 9 M€ (dont 8 % à l’export)

Grégoire Denis

Président de Toiles de Mayenne

« Le développement de Toiles de Mayenne repose sur plusieurs axes. Tout d’abord, nos produits doivent rester accessibles. Notre prix est en moyenne de 50 euros le mètre pour permettre à tous de s’offrir du tissu de qualité. Nous misons également sur la notion de service. Pour nous, apporter du conseil en décoration à travers nos points de vente, et des prestations de confection sur mesure ou de réfection de sièges, est un point stratégique. Nous intensifions cette activité en proposant désormais aux décorateurs indépendants une véritable plateforme pour les accompagner dans leurs projets pour les particuliers et les hôtels, y compris pour la prise de mesure ou la pose. Enfin, le développement de notre réseau passe par l’international. Nous ouvrons à la rentrée des corners à San Francisco, Miami, Houston, mais aussi à Bonn, Lausanne et Bruxelles. Cela nous apporte de la visibilité et concourt à faire rayonner le made in France, qui est très apprécié hors de nos frontières. »

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