Alain Gilles : « Quand je dessine, je pense à la ligne claire des dessins de Tintin »

Du Salon du meuble de Milan à WantedDesign New York, le designer belge Alain Gilles expose partout ses projets jamais passe-partout. Son mobilier est contemporain, confortable et sans austérité, qu’il travaille avec Bonaldo, Ligne Roset, Vincent Sheppard ou Verreum. Rencontre à Bruxelles avec un designer européen qui voit au-delà.

Que faisiez-vous avant d’entrer dans le monde du design ?
Je suis belge, mais j’ai passé mon bac en France. En disant ça, je vais remonter un peu dans l’estime des Français (rires). Auparavant, j’ai vécu aux États-Unis, où mon beau-père travaillait à la Banque mondiale. J’étais au lycée français, puis nous avons déménagé à Montpellier. Venant d’ailleurs, je n’étais pas complètement au fait de ce qui se passait dans l’enseignement supérieur français. J’ai fini par étudier en Belgique où nous avions à nouveau déménagé. Je me suis inscrit en sciences politiques et j’ai aussi fait un peu de marketing. J’ai terminé assistant de recherche en troisième cycle… réfléchissant toujours à mon avenir.

Pensiez-vous déjà au design ?
J’avais déjà envie de créer. Cependant, j’ai encore pris un an pour étudier l’allemand, parce que j’étais spécialisé dans les pays de l’Est. Je faisais tout ça pour retarder le moment de sauter le pas vers ce que j’avais envie de faire profondément, quelque chose entre le design, l’architecture et le graphisme. À l’époque, j’ai ouvert un atelier où j’ai commencé à étudier la 3D. Au bout de six mois, j’ai compris que je n’allais pas en vivre. J’avais maigri autant que réfléchi. N’ayant jamais pris de cours, j’étais dans l’autocritique permanente, à en perdre le sommeil. Il me fallait donc trouver un travail. J’ai été pris à la suite de mon premier rendez-vous dans une grosse boîte américaine, après leur avoir dit tout ce que je ne savais pas faire. Puis j’ai travaillé cinq ans dans la finance internationale.

Vous ne pouviez pas être plus éloigné du design…
Avec d’autres recrues exotiques, on travaillait là sans le diplôme requis. Mais le fait est que, depuis tout petit, j’avais des idées plein la tête, de scénographies par exemple. Peut-être parce que j’avais une grand-mère comédienne et que j’allais donc beaucoup au théâtre… Je faisais des tonnes de photos qui me coûtaient une fortune en développement. Personne ne savait pourquoi je les prenais, mais à moi, cela servait de bloc-notes. Un petit détail suffisait à me donner une idée. Pendant longtemps, rien ne s’est matérialisé. Dans la finance, en revanche, j’ai appris à travailler, parce que la moindre faute coûtait vite des dizaines ou des centaines de milliers d’euros.

2017, le très chic lit de jour X-Ray chez La Chance.
2017, le très chic lit de jour X-Ray chez La Chance. DR

Qui ont été vos premiers clients ?
En 2007, la première année, j’ai travaillé avec l’éditeur Qui est Paul ? et avec Bonaldo. Il y eut aussi un portemanteau que nous avons développé nous-mêmes. En 2007, Qui est Paul ? était un nouvel éditeur qui avait investi plus de 100 000 €. Je démarrais en même temps que lui. C’était quelqu’un qui avait déjà des usines. Il avait besoin d’une collection pour les faire tourner. En Italie, certains ont démarré de façon similaire. Nous nous étions rencontrés à Milan quand, étudiant, j’ai travaillé durant deux ans et demi chez Arne Quinze. Je rencontrais donc quelqu’un qui voulait produire avec moi. Il fallait absolument que ça touche un large public.

Le nouveau fauteuil Eddy, chez Bonaldo, rend-il hommage au designer Charles Pollock ?
Non. Eddy s’inspire plutôt du monde du cyclisme. Cela faisait des années que j’observais l’univers du vélo. Parce que je planche beaucoup sur la structure des choses. Donc sur les connexions entre les différents éléments d’un vélo. Du cadre au pédalier, tout m’intéressait. J’aimais vraiment bien le côté montage de différentes structures, matières et couleurs.

Et les miroirs chez Bonaldo, c’est une demande ou cela relève de votre initiative ?
Bonaldo nous a pris ces projets relevant de notre initiative parce que, au fond, ils nous ont mis dans la case « différents ».