Photo : 9 galeries incontournables cet automne

À Paris, novembre reste le mois traditionnellement consacré aux événements photographiques. Parmi les galeries de la capitale – historiques ou plus récentes – qui inscrivent leur programmation autour du médium, nous en avons sélectionné neuf à (re)découvrir absolument.

1/ Galerie Binome
L’atelier de Marc Lathuillière
Créée en 2010, la Galerie Binome développe une programmation rigoureuse autour d’artistes questionnant la photographie en tant que médium et support. Dans cette logique, le travail de Marc Lathuillière illustre pleinement la ligne de la galerie, dans laquelle il présente sa deuxième exposition. Deux séries sont visibles : l’iconique « Musée national », qui présente une trentaine de portraits d’ouvriers et de chefs d’entreprise masqués ; et « Fractal Spaces », qui figure quant à elle, montés sur aluminium, des paysages industriels photographiés telles des apparitions spectrales à travers des rideaux de végétation. Se reflètent dans ce nouvel opus sur l’industrie en crise les interrogations du photographe à propos des mutations économiques et climatiques de l’ère postindustrielle.
« Fractal Factory ». Marc Lathuillière à la Galerie Binome. 19, rue Charlemagne, 75004 Paris, jusqu’au 1er décembre.

« L’entrepreneuse textile , série « Musée national » (2004-2017) ».
« L’entrepreneuse textile , série « Musée national » (2004-2017) ». Marc Lathuillière

2/ School Gallery
10 ans déjà !
Pour fêter les 10 ans de sa galerie, Olivier Castaing rend hommage à Gilles Caron, dont il a coorganisé la récente rétrospective sur Mai 68 à l’Hôtel de Ville de Paris. En parallèle des travaux du photoreporter décédé en 1970, une installation impressionnante de Stephan Gladieu sur la Corée du Nord est montrée pour la première fois. Des portraits frontaux, sans volonté de mise en scène, réalisés pendant deux voyages en 2017, dessinent une autre réalité du pays de Kim Jong-un. Le photographe met en lumière l’immensité des paysages urbains et la démesure des architectures. Réalisés dans des espaces publics quasi déserts, les clichés prennent une dimension fictionnelle inquiétante.
Gilles Caron et Stephan Gladieu à la School Gallery. 322, rue Saint-Martin, 75003 Paris, jusqu’au 22 décembre. 

Untitled #107, Corée du Nord, 2017.
Untitled #107, Corée du Nord, 2017.  Stephan Gladieu

3/ Sit Down
La magie de la chimie
En recyclant des produits chimiques et des papiers photosensibles périmés, la cinéaste Silvi Simon arrive à un rendu pictural saisissant. Depuis 2013, elle s’intéresse au « chimigramme », pratique expérimentale réunissant peinture et photographie. En jouant avec les multiples possibilités picturales des rendus chimiques des matières, elle compose des photographies abstraites où l’aléatoire et l’accident côtoient sa pratique d’artiste. La révélation n’est pas toujours là où on l’attend, et Silvi Simon sait comment tirer de riches enseignements à partir de trouvailles inopinées. Des œuvres uniques, grattées ou peintes sur des papiers datant des frères Lumière (fin du xixe siècle) ou sur des papiers glacés des années 50, sont magnifiquement scénographiées dans l’espace optimisé de la galerie Sit Down.
« Chimie lumineuse ». Silvi Simon à la galerie Sit Down. 4, rue Sainte-Anastase, 75003 Paris, jusqu’au 30 novembre.

Cercle brisé 3 – chimigramme. (2015)
Cercle brisé 3 – chimigramme. (2015) Silvi Simon

4/ La Galerie particulière
L’odyssée sibérienne de Claudine Doury
Depuis presque trente ans, Claudine Doury constitue un ensemble impressionnant de portraits et de paysages réalisés en Extrême-Orient, s’intéressant surtout aux notions de mémoire et de transition autour de l’adolescence et du voyage. Cette exposition rétrospective à La Galerie particulière est l’occasion de découvrir ou de revoir les trois volets de ses longs voyages dans l’Est. En 2018, Claudine Doury a pu repartir en Sibérie sur les bords du fleuve Amour. L’occasion de poursuivre un travail débuté il y a vingt ans. Elle nous surprend par l’alternance de ses tirages couleur et noir et blanc tout comme elle nous émerveille par ces visages métissés et ces lieux de vie qui semblent figés. Ses photographies nous racontent avec une jubilation contagieuse l’histoire de peuples lointains.
« Le Long du fleuve Amour ». Claudine Doury à La Galerie particulière. 16, rue du Perche, 75003 Paris, jusqu’au 1er décembre.

Sur le fleuve Amour, Khabarovsk, (1991).
Sur le fleuve Amour, Khabarovsk, (1991). Claudine Doury

5/ Perrotin
Les choix de Sophie Calle
C’est la quinzième collaboration entre Sophie Calle et son galeriste Emmanuel Perrotin. Une belle et longue fidélité pour cette artiste profondément animée par la volonté de créer la surprise – à ses débuts, elle prenait rendez-vous chez un détective privé pour qu’il la suive pendant plusieurs jours ou elle invitait des inconnus à venir dormir dans son lit installé en haut de la tour Eiffel. Cette fois, Sophie Calle revient avec deux projets inédits : « Souris Calle », une exposition en hommage à son chat Souris (reçu en cadeau d’anniversaire en 1996 et mort en 2014), avec la collaboration d’une quarantaine de musiciens et chanteurs ; et « Parce que », de nouvelles photographies associées à des textes autour de ses thèmes favoris que sont la vie, l’amour, le deuil et le souvenir. Avec, encore et toujours, le désir de surprendre.
« Parce que » et « Souris Calle ». Sophie Calle à la galerie Perrotin. 76, rue de Turenne, 75003 Paris, jusqu’au 22 décembre.

Maternité,( 2018) (extrait).
Maternité,( 2018) (extrait). Claire Dorn

6/ Les Filles du Calvaire
Les rêves brisés
Il y a dix ans que la collaboration entre la galerie Les Filles du Calvaire et la photographe Laura Henno a débuté. Il faut bien toutes ces années pour accompagner une artiste dans la réalisation de projets qui traitent principalement des flux migratoires. C’est en 2009, lorsqu’elle était à La Réunion, que Laura Henno a entamé l’exploration qui donne lieu à cette exposition, pour se concentrer sur l’archipel voisin des Comores, épicentre des phénomènes de migration clandestine. On y apprend comment des passeurs peu scrupuleux font croire aux Comoriens qu’ils sont arrivés à Mayotte pour les débarquer sur un îlot inhabité : M’Tsamboro. Des films retracent les destins croisés d’enfants formés au métier de passeur. Ils complètent les photographies dans l’entreprise de l’artiste, qui, face à ces drames humains, parvient à sublimer portraits et paysages.
« M’Tsamboro ». Laura Henno à la galerie Les Filles du Calvaire. 17, rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris, jusqu’au 24 novembre.

Fayal, (2016), Série « Les Pilotes », Comores, (2016-2017).
Fayal, (2016), Série « Les Pilotes », Comores, (2016-2017). Laura Henn

7/ In Camera
Mémoire du Japon
L’espace de la galerie In Camera n’est pas très grand mais tout à fait suffisant pour mettre en valeur les ambiances intimistes de ses expositions. Ouverte depuis 2008, celle-ci défend des photographes soucieux du rendu de leurs tirages tout autant que de leur sujet. Cette fois encore, les œuvres exposées répondent à l’exigence de la ligne fixée par In Camera. Les quinze magnifiques tirages au platine-palladium des Japonais Yumiko et Kenro Izu illuminent le lieu. Nés tous les deux à Osaka et vivant en couple à Rhinebeck, dans l’État de New York, ils placent la mémoire de leur pays natal au cœur de leurs photographies. Quand les compositions de fleurs ordonnées de Kenro font face aux œuvres plus légères et sensuelles de Yumiko, c’est une vision d’un Japon tout en filigrane qui s’offre à nous. Ce désir de partager les réminiscences d’un monde lointain nous enchante.« Yumiko Izu & Kenro Izu ».
À la galerie In Camera, 21, rue Las-Cases, 75007 Paris, jusqu’au 24 novembre.

Secret Garden.
Secret Garden. Kenro Izu

8/ Galerie Catherine et André Hug
Fictions de Paradis
Située au cœur de Saint-Germain-des-Prés, la discrète Galerie Catherine et André Hug, créée en 2000, continue de défendre une photographie contemporaine et historique. Avec une programmation internationale, elle a exposé les fictions de la Canadienne Kourtney Roy, les tirages uniques de l’Américaine Joni Sternbach et les séries de l’Américano-Brésilienne Mona Kuhn. Pour sa deuxième exposition personnelle, l’Américaine Reine Paradis nous plonge dans des dérives narratives ludiques. À partir de dessins, de maquettes et de photographies ultracolorées, elle convie tout un ensemble de paysages urbains ou désertiques pour construire un récit poétique. Si, pour chaque série, l’artiste utilise des couleurs différentes, le bleu reste une constante. Seul personnage réel de ses récits imaginaires, Reine Paradis crée des tableaux photographiques saturés de couleurs.
« Midnight ». Reine Paradis à la Galerie Catherine et André Hug. 40, rue de Seine, 75006 Paris, jusqu’au 19 décembre.

Palmsquare, série « Midnight », (2016-2018).
Palmsquare, série « Midnight », (2016-2018). Reine Paradis

9/ Galerie Camera Obscura
L’intemporel Pentti Sammallahti
Ancien tireur de Lucien Hervé et de Paolo Roversi, Didier Brousse a décidé d’ouvrir sa galerie en 1993 à Paris, dans le XIVe arrondissement, avant l’arrivée de la Fondation Cartier. Depuis toutes ces années, la Galerie Camera Obscura défend une photographie contemporaine exigeante où les techniques de tirage diffèrent à chaque exposition. Les Polaroid de Sarah Moon, les impressions au jet d’encre pigmentaire de Bohnchang Koo ou encore les daguerréotypes de Takashi Arai sont régulièrement exposés, tout comme les œuvres de Willy Ronis, de Bernard Plossu et de Marc Riboud. Pour sa quatrième exposition, le photographe finlandais Pentti Sammallahti a choisi des tirages inédits, avec un ensemble d’images d’oiseaux, thématique qui lui est chère. Si son œuvre s’inscrit dans un courant classique, son esthétique dégage une forme d’élégance épurée et d’humour décalé.
Pentti Sammallahti à la Galerie Camera Obscura. 268, boulevard Raspail, 75014 Paris, jusqu’au 29 décembre.

Delhi, India (Flock of Birds), (1999).
Delhi, India (Flock of Birds), (1999). Pentti Sammallahti

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