Reportage déco : À Paris, visite de l’énigmatique Maison plissée de WRA

Il est de coutume de dire que Paris s’est endormie dans son écriture haussmannienne. Elle serait muséifiée et embaumée dans son patrimoine quand d’autres capitales voisines font preuve d’audace en matière d’architecture. C’est heureusement de moins en moins vrai. Il suffit d’aller faire un tour dans le quartier Pernety pour se laisser surprendre par une maison inattendue, conçue par l’agence WRA (Wild Rabbits Architecture). Les propriétaires – un couple de Parisiens décomplexés, collectionneurs d’art et amateurs de design – souhaitaient vivre dans un lieu qui ne ressemble à aucun autre, un lieu pour recevoir, un lieu à leur image.

Quand ils découvrent une maisonnette à vendre sur une petite parcelle de 70 m2, ils décèlent immédiatement son potentiel, très rare dans la capitale. Ce genre d’occasion est généralement saisi par les promoteurs. Par chance, le site est ici trop petit pour une opération immobilière. Le couple fait alors appel à l’architecte Vladimir Doray, moitié de WRA. Ils se connaissent depuis une dizaine d’années. Ensemble, ils vont imaginer l’inimaginable : démolir l’existant pour bâtir une maison individuelle de 235 m2 sur sept niveaux desservis par un ascenseur ! À chaque étage correspond une fonction. Les pièces de vie sont situées dans la partie haute ; les pièces de nuit et de travail, en bas. « Les espaces les plus cool sont en haut. On y accède directement par l’ascenseur, comme dans Arnold et Willy ! Le pack séjour-terrasse-cuisine-toiture panoramique forme un petit penthouse avec des vues dans tous les sens et un ensoleillement ébouriffant !, s’enthousiasme Vladimir Doray. Le plan des étages inférieurs est d’une sobriété propre à laisser les clients n’en faire qu’à leur guise. »

Le terrain est encadré par des façades classiques. Orientée est-ouest, la maison suit la course du soleil. Côté rue, une résille métallique en maille industrielle se déploie sur toute la hauteur, accentuant le caractère énigmatique du bâtiment. Sa fonction est pourtant des plus prosaïques puisqu’il s’agit avant tout de protéger l’intimité des occupants tout en laissant passer la lumière. « Avec cette ­façade sur rue entièrement vitrée, vu de l’intérieur, le bel haussmannien d’en face est présent. Pourtant, de dehors, le jeu du voilage métallique sur le reflet des vitres protège efficacement du regard : c’est magique », souligne l’architecte. Au 4e étage, une terrasse prolonge l’espace du salon. Salle à manger et cuisine sont situées au 5e, dernière étape avant de ­rejoindre la terrasse aménagée par l’Atelier Gabriel sur le toit.

« Une architecture minimaliste et un playground à investir librement » : c’est ainsi que Vladimir Doray résume ce projet atypique. Les propriétaires souhaitaient apporter chaleur et confort pour atténuer l’écriture brute de la maison en béton, verre et métal. Ils ont confié la décoration intérieure au tandem Selig & Renault, qui a eu carte blanche. Pièce maîtresse de leur proposition, une fresque monumentale se développe sur toute la hauteur de la maison : « C’est la ligne directrice, expliquent les décorateurs. Un mur habillé d’un Ciel de bas en haut, de l’aurore à la stratosphère, sous la forme d’un papier peint créé sur mesure. Cette fresque fait le lien entre les étages. » Puis chaque niveau propose une ambiance particulière selon la fonction : « L’important était de créer des “nids” de confort à chaque étage avec des formes enveloppantes, courbes, et une richesse de matériaux qui favorise le bien-être dans cette maison ouverte sur l’extérieur : tissus, velours, revêtements muraux, boiseries, panneaux dorés… »

Selig & Renault ont également conçu des pièces de mobilier uniques, ainsi que des canapés et des tapis, toujours sur mesure. On trouve un billot fluo (Chabret) dans la cuisine, un canapé double en velours bleu (Desmedido) dans le salon ou un tapis Méca Panda (Atelier du tapis) dans le coin cheminée. « À l’inverse d’une villa d’architecte horizontale et minimaliste en béton, c’est une villa parisienne verticale contemporaine et chaleureuse qui se cache derrière cette façade en résille. La manière de l’habiter et de circuler est unique », explique le duo. Pour Vladimir Doray, la qualité de la relation établie avec les propriétaires, à l’écoute et éclairés, fut déterminante pour la conduite et la réussite de l’opération : « Ils ont accompagné le projet en nous accordant une grande confiance. Malgré les difficultés, notamment avec le voisinage moyennement conciliant, le chantier fut très serein. »

> WRA Architecture. 30, allée Vivaldi, 75012 Paris.