Brokis, un nouvel éclairage sur le luminaire

Nichée au cœur de la campagne tchèque, cette jeune marque née dans une manufacture de verre donne au luminaire un second souffle.

Brokis en chiffres

  • Année de création : 2006
  • CA : 3 M€
  • Effectif : 75 personnes (25 pour Brokis)
  • Superficie de l’usine : 22 000 m2
  • Production annuelle : 300 000 à 500 000 pièces (pour l’ensemble de l’usine)

Pour certaines marques, le destin est parfois aussi fragile que du verre : il s’en faut de peu pour que l’aventure se brise net. Pour d’autres, leur histoire est intimement liée à celle d’un pays tout entier. Brokis, c’est tout cela à la fois. Cet éditeur de luminaires est né de la grande vague de privatisations qui a eu lieu en République tchèque après la Révolution de velours, au début des années 90. En 1997, Jan Rabell rachète une société de soufflage de verre basée à Janštejn, à 150 km au sud-est de Prague, entre bois et champs. Celle-ci produit du vitrage, du verre ornemental et des articles d’arts de la table. Le pays est célèbre depuis le XVIIIe siècle pour son cristal de Bohême, l’homme d’affaires y voit une belle opportunité. « Je ne pensais vraiment pas garder l’entreprise, se souvient Jan Rabell. Mon intention était de la faire fructifier et de la revendre. Seulement, je n’avais pas prévu que je tomberais amoureux du verre et de ses incroyables possibilités. » Jan Rabell décide donc de conserver l’entreprise de soufflage de verre et procède aux ajustements techniques nécessaires pour faire évoluer la fabrication. De nouveaux fours sont construits, la ligne de production est modernisée, tout en maintenant le savoir-faire de la maison. S’appuyant sur un savant mélange entre artisanat et industrie, le dirigeant a alors l’idée de développer une nouvelle gamme : des luminaires contemporains soufflés à la bouche, sous la marque Brokis, créée en 2006.

Jan Rabell, le dirigeant de Brokis, est entouré de son fils André, qui s’occupe de la production, et de son épouse, qui participe à la gestion et à la direction artistique.
Jan Rabell, le dirigeant de Brokis, est entouré de son fils André, qui s’occupe de la production, et de son épouse, qui participe à la gestion et à la direction artistique. Adeline Bommart

Les premiers prototypes dataient de 2004. « Nous avions le temps, le matériel et le savoir-faire pour décider quelle direction prendre », explique Jan Rabell, qui table sur l’expérience et la patience, ingrédients nécessaires pour maîtriser ces formes jusqu’alors peu courantes pour l’entreprise. En 2009, pour ancrer son territoire de marque, Brokis adopte un nouveau logo et se met en quête de designers pour imaginer les futures pièces. Par ailleurs, la fabrique produit des luminaires pour de grandes marques comme Artemide, Flos ou Foscarini. 2010 marque le véritable début de la collection maison avec des modèles comme Muffins et Balloons de Lucie Koldova et Dan Yeffet, ou Memory de Boris Klimek. Avec ces luminaires, Brokis sort des sentiers battus car elle propose des formes originales, à l’évidence difficiles à exécuter en verre soufflé, mais aussi une gamme de couleurs intemporelles ou pop pour laquelle une importante recherche aura été nécessaire.

Diaporama : Brokis, un nouvel éclairage sur le luminaire

Dans cette aventure du design, Jan Rabell s’est adjoint les services de Lucie Koldova, jeune designer tchèque invitée par Arik Levy à le rejoindre dans son studio dès sa sortie de l’Académie des arts, architecture et design de Prague. C’est elle qui officie désormais comme directrice artistique de la marque, passe de longs moments aux côtés des souffleurs qui œuvrent chaque jour de 6 h 30 à 14 h 30 pour ne pas être trop incommodés par la chaleur. Entre la création des pièces composées de deux à trois couches de verre soufflé à la bouche et formées dans des moules de métal ou de bois, le passage au four, puis dans les ateliers de découpe, ponçage et finition, chaque pièce voit intervenir les mains de vingt-cinq à trente personnes et subit quatre contrôles qualité. Sur l’ensemble de la production de la manufacture, un quart est siglé Brokis. En 2013, un nouvel édifice est construit en lieu et place du bâtiment d’origine, preuve que l’entreprise se porte bien. Il accueille désormais un showroom dans lequel Brokis présente l’étendue de sa production et ses nouveautés, comme Flutes, Whistle et LightLine de Lucie Koldova, mais aussi les Night Birds de Boris Klimek, réalisés en verre recyclé, une nouveauté pour l’entreprise. Et pour mieux se faire connaître, la jeune marque a également investi une vitrine dans le Pavilon, une immense halle rénovée en 2013 au cœur de Prague et consacrée au design.

Jan Rabell insuffle son énergie chez Brokis

À 50 ans, Jan Rabell est un patron et un père de famille heureux. L’un de ses quatre enfants travaille désormais à ses côtés comme chargé de production, de même que son épouse qui participe à la partie financière et à la direction artistique. Il y a tout juste dix-huit ans, cet analyste bancaire pour un fonds d’investissement, né de mère tchèque et de père portoricain, se voit proposer de racheter une fabrique de verre. S’il imaginait alors n’y rester que temporairement, aujourd’hui, il s’y sent parfaitement chez lui. « Le verre est d’une grande complexité. Il nous a par exemple fallu deux ans et environ 50 000 € d’investissement pour parvenir à créer le rouge que nous voulions. Croyez-moi, il valait mieux ignorer la difficulté de la matière avant de se lancer, sinon j’aurais probablement renoncé », plaisante-t-il. « Cette prise de risque, cette façon d’avancer petit à petit, de fabriquer une identité de marque claire avec l’aide de Lucie Koldova comme directrice artistique, est ce qui permet à Brokis de faire sa place en tant que nouvel acteur du luminaire. Si nous avons modernisé la production, nous n’oublions pas l’importance de nos ouvriers. C’est pourquoi nous formons nos souffleurs depuis 2002, afin que le métier ne se perde pas », révèle-t-il.

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