Interview : Ingo Maurer (1932-2019), le magicien de la lumière

Ses appliques prêtes à s’envoler à tire-d’aile, ses suspensions constellées de petits papiers et ses mystérieuses feuilles de lumière ont inscrit Ingo Maurer (1932-2019) au panthéon des grands designers. Cet inventeur allemand qui a réussi à concilier poésie et technologie a toujours choisi la liberté, à commencer par celle de l’autoédition. En insatiable curieux, il nous a quitté le 21 octobre 2019 à 87 ans, après avoir enchanté le monde de lumière. Retour sur un parcours et une personnalité hors du commun, à travers une interview qu'il nous avait accordée en 2016.

Malgré son déguisement, on devine facilement l’auteur de la « Toto » (2014, collection « I Ricchi e Poveri »).
Malgré son déguisement, on devine facilement l’auteur de la « Toto » (2014, collection « I Ricchi e Poveri »). DR

Swarowski, Baccarat, Fondation Cartier, Issey Miyake… Comment choisissez-vous vos collaborations ?
Souvent pour la liberté que l’on m’offre. L’exposition à la Fondation Cartier fut une grande aventure. Issey Miyake m’a seulement dit : « Surprenez-moi ! »

Vous venez d’être invité par le Luxembourg pour intervenir dans le cadre de la réhabilitation du site de Belval…
Lorsque j’ai vu ce quartier pour la première fois, tout était à l’abandon. Ces vestiges industriels en décomposition étaient d’une beauté absolument fantastique. Nous avons travaillé en collaboration avec l’architecte paysagiste Michel Desvigne sur le concept d’éclairage des anciens hauts-fourneaux qui ont été classés et dont la carcasse domine ce nouveau quartier. Je ne voulais surtout pas d’une lumière « conservatoire », mais au contraire de quelque chose de dynamique et provocateur. J’ai joué sur une ambiance en noir et blanc, inspirée par le cinéma de Fritz Lang et d’Eisenstein.

N’est-ce pas la première fois que vous créez un luminaire outdoor ?
Oui, mais ce n’était pas faute d’envie, car nous avions déjà travaillé sur un ou deux projets qui n’ont pas abouti. Souvent, les éclairages extérieurs sont horribles. Regardez les Champs-Élysées ! Pour Belval, ce quartier qui navigue entre passé et présent, je voulais une lumière du futur… J’ai donc imaginé ce disque de 4,20 m de diamètre, légèrement incliné pour inviter à se glisser dans l’espace et je l’ai baptisé Bon vol.

L’applique « Lucellino » (1992) dispose d’une ampoule halogène spéciale.
L’applique « Lucellino » (1992) dispose d’une ampoule halogène spéciale. DR

Vous êtes un fou de technologie, quelle invention récente vous a marqué ?
Le LED Wallpaper mis en œuvre par Architects Paper. Je rêvais d’un papier peint intégrant des LEDs programmables. Il nous a fallu dix années de recherches et on y est arrivé un peu par hasard. Je l’aime bien parce que, même éteint, son motif de circuits électroniques ressemble à une calligraphie chinoise et qu’allumé, c’est une vraie chorégraphie lumineuse.

Qu’est-ce qui vous trotte dans la tête aujourd’hui ?
C’est certain, l’avenir est du côté de la technologie OLED : les prix baissent et le champ des possibles s’élargit. Mais je trouve cette lumière un peu monotone, j’aimerais poursuivre mes recherches pour la mixer avec une autre source lumineuse, lui donner de la profondeur, réussir enfin à recréer la lumière du cœur… Il faut toujours viser l’impossible !

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