La renaissance de la Cité de Refuge de Le Corbusier

Les architectes François Chatillon et François Gruson ont fait preuve de créativité pour restaurer et moderniser ce bâtiment hors norme de l’Armée du salut, classé et signé Le Corbusier et Pierre Jeanneret.

Pour l’architecte en chef des Monuments historiques, François Chatillon, « tous les bâtiments de Le Corbusier sont les appartements-témoins de sa ville nouvelle ». Celui-ci est singulier. Construit en 1933 et financé par la princesse Edmond de Polignac, il accueillait alors près de 300 sans-abris et sa vocation sociale n’a guère changé depuis. Sur le plan architectural, on retrouve, dans un contexte qui ne s’y prête pourtant guère, une toiture jardin, un plan libre, des pilotis et plus de 1 000 m2 de fenêtres. La façade libre repose sur une horlogerie sophistiquée évitant les retombées de poutres. Verre ou brique, tout devait tenir verticalement dans la même épaisseur.

Aujourd’hui, c’est de nouveau le cas. Le grand hall est moins coloré que la façade, comme en 1933. La visite nous apprend comment la finesse des joints accentue la translucidité des parois. « Les jours de soleil, c’est extraordinaire », dit François Gruson, d’Opéra Architectes. Les briques de verre du grand hall sont d’origine. « De près, ce sont des bijoux. Celles de la rotonde sont des reproductions. Un travail de fou », précise l’architecte. Il n’a pas été possible de retrouver à l’identique tous les éléments 30’s, normes de sécurité incendie obligent : il a fallu par exemple ajouter des portes coupe-feu qui n’existaient pas… Une entreprise portugaise a refait les fenêtres.

En France, on pensait cette opération impossible. Puis il a fallu débattre de leur couleur exacte. Le jaune utilisé avait disparu au profit de l’aluminium qui s’imposait dans les années 70. On a été jusqu’à prélever d’anciens échantillons de couleurs sur certains montants pour s’en inspirer. Les débats ont porté jusqu’aux couleurs du drapeau de l’Armée du salut dont six exemplaires ont été retrouvés. Le Corbusier avait laissé des notes à ce propos… Les architectes ont finalement dû faire appel à leur créativité pour interpréter tous ces éléments. D’où le double intérêt de cette restauration.

Les murs en brique de verre Nevada sont par ailleurs très présents dans le bâtiment de Le Corbusier et Jeanneret. Les architectes des années 30 les adoraient. C’était en quelque sorte leur béton translucide.
Les murs en brique de verre Nevada sont par ailleurs très présents dans le bâtiment de Le Corbusier et Jeanneret. Les architectes des années 30 les adoraient. C’était en quelque sorte leur béton translucide. Cyrille Weiner

Visites ponctuelles organisées notamment lors des Journées du patrimoine.
Cité de Refuge. 12, rue Cantagrel, 75013 Paris.
www.armeedusalut.fr