L’architecture intérieure à l’honneur avec Jean-Pierre Blanc

À Hyères, on voyait déjà sa silhouette hanter, entre les murs de la Villa Noailles, le Festival international de mode et de photographie, au printemps, puis la Design Parade, en été. Jean-Pierre Blanc lance, à Toulon, un nouveau rendez-vous varois avec un volet « architecture intérieure » tissé dans le droit fil de sa philosophie : soutenir la jeune création. Il s’est offert le précieux parrainage d’India Mahdavi, qui a imaginé un thème méditerranéen pour le concours qu’elle préside. Présente et engagée, elle a poussé loin sa mission, ripolinant le musée municipal aux couleurs de la mer pour y scénographier une exposition. IDEAT est l’heureux partenaire de Design Parade Toulon et vous fait partager l’événement en exclusivité !

Jean-Pierre Blanc, qu’est-ce qui vous pousse à vous éloigner de votre base, la Villa Noailles ?
J.-P.B. : Le sujet qui m’a conduit à Toulon est que j’avais depuis longtemps en tête de prolonger la Design Parade, dont nous avons fêté les 10 ans l’été dernier, en lui ajoutant un volet sur l’architecture intérieure. L’histoire décorative de la ville justifiait ce choix. Au centre de mon travail pour ce projet se trouve l’appartement-témoin dessiné par Charlotte Perriand pour les immeubles dits La Frontale du port ! Mon envie a croisé la volonté politique du maire, Hubert Falco, d’offrir une vitrine internationale à l’École supérieure d’art et de design Toulon Provence Méditerranée. Nos deux désirs se rejoignaient. Il m’a donné carte blanche.

Quel est l’esprit de ce rendez-vous ?
J.-P.B. : Dans la lignée des festivals de la Villa Noailles, la Design Parade Toulon réunit plusieurs expositions autour d’un concours destiné à révéler et soutenir une jeune génération d’architectes d’intérieur. C’est le premier projet de ce type en France. À travers cette plateforme, nous espérons susciter des rencontres, des échanges et permettre une meilleure connaissance des créateurs par les professionnels, le public et la presse.

India Mahdavi préside le jury. A-t-elle été facile à convaincre ?
J.-P.B. : Elle a dit oui sans hésiter, avec son enthousiasme communicatif ! Et nous sommes très fans de son travail… Sa présence offre un second axe à la manifestation, car le musée d’Art l’accueille pour une exposition qu’elle scénographie en puisant à sa guise dans les réserves du musée. Chaque président du jury, lors des éditions suivantes, aura ce privilège. India a par ailleurs participé à la sélection des candidats et gardé un œil sur leur travail.

India Mahdavi, comment décrire le métier d’architecte d’intérieur aux lauréats ?
I.M. : C’est comme être chef d’orchestre. On fait intervenir de nombreux corps de métiers et on les pousse dans leurs retranchements. À mes yeux, la France est la capitale de ce métier, pour la qualité de ses écoles et de ses savoir-faire. Aussi parce qu’elle est l’héritière des grands décorateurs ensembliers des années 40 et 50.
ce concours vous met en contact avec des jeunes.

N’avez-vous jamais eu envie d’enseigner ?
I.M. : On ne me l’a jamais proposé ! En même temps, j’enseigne tous les jours dans mon studio dans lequel j’emploie beaucoup de jeunes. Ils me donnent, je leur transmets…

Vous souvenez-vous de votre premier projet ?
I.M. : Un bar pour une cuisine américaine chez un copain… Il m’avait demandé de le signer !

Pourquoi ce thème de la villa méditerranéenne ?
I.M. : C’est un sujet de bonheur, mais aussi une histoire qui m’est proche : j’ai longtemps vécu dans le Sud. Et tout mon travail est tourné vers la couleur, le soleil, la lumière.

Vous avez d’ailleurs repeint des murs du musée de Toulon en bleu pour mettre en scène l’exposition qui vous y a été confiée…
I.M. : Plutôt que d’organiser un hymne à moi-même, j’ai préféré porter un regard sur la collection du musée. J’ai eu envie de puiser dans le riche fonds d’art contemporain rassemblé par Marie-Claude Beaud et de le scénographier, en regroupant une trentaine d’œuvres autour du thème du bleu et de la mer. Progression bleue, de Donald Judd, un Canapé ABCD, de Pierre Paulin, un monochrome de Gerhard Richter, une installation de bois flottés de Richard Long… En revanche, plutôt que d’utiliser la totalité du budget alloué pour cette exposition, j’ai préféré en consacrer une partie à des travaux pérennes, pour le sol ou les éclairages, offerts au musée. Si, dans les années à venir, chacun des présidents de jury pouvait adopter cette démarche, nous ne laisserions pas que des souvenirs à Toulon, mais aussi un geste tangible allant dans le sens de l’évolution de la ville…

Jean-Pierre Blanc, qu’avez-vous envie de montrer de Toulon ?
J.-P.B. : Les repérages ont été un grand moment. Je me suis rendu compte à quel point je connaissais mal cette ville et combien il était important de la faire mieux découvrir… En montant sur le toit de l’opéra, nous pouvions voir que rien ne venait polluer le patrimoine architectural urbain. Rien ne dépasse ! Lorsque nous avons visité, caché derrière le port, un incroyable hôtel particulier du XVIe siècle, rue Victor-Micholet, nous avons immédiatement su qu’il serait le pilier de la manifestation. Il abritera les réalisations des candidats. Ainsi est Toulon : elle cache ses trésors, mais elle mérite d’être connue !

India, Toulon est-elle une ville que vous découvrez ?
I.M. : Oui, et qui dégage un abandon qui me touche… On sent qu’elle est en train de renaître et c’est tout autant pour soutenir la jeune création que pour encourager la démarche culturelle de la ville que j’ai accepté de participer à cette première Design Parade.

Quelles répercussions le concours a-t-il eues ?
J.-P.B. : Nous avons reçu 66 dossiers de 14 nationalités. Ce qui montre l’intérêt des écoles et leur réelle attente pour ce genre d’événement. Le fait que l’École nationale supérieure des arts décoratifs accepte d’être partenaire d’une manifestation naissante est également un signe. Son directeur, David Caméo, est venu en personne participer au jury ! Sans parler du parrainage des frères Bouroullec, du partenariat avec Pierre Frey ou Vitra, de la présence de Marie-Claude Beaud, de Chanel et de tous les designers amis de la Villa Noailles, qui ont mis leurs créations à la disposition des candidats.

L’esprit de famille qui règne à la Villa Noailles pourra-t-il être transposé à Toulon ?
J.-P.B. : Les liens construits avec cette génération dite des « bébés Noailles » se sont tissés naturellement et sont très touchants à vivre. Nous mettons un point d’honneur à accompagner, sur le long terme, stylistes, photographes ou designers. Ceux d’entre eux qui sont devenus célèbres continuent de venir nous voir. Mais notre attention est aussi dirigée vers le public. Il est réellement surprenant de voir comment, dans un pays comme le nôtre, célèbre pour le luxe, la mode et le design, le public est tenu à l’écart de la création. Il n’est bon qu’à consommer. Nous espérons lui redonner sa place au début du processus et partager avec lui le contact avec les créateurs ! C’est l’une des raisons de vivre de la Villa Noailles et ce sera le fil rouge de la Design Parade Toulon.

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