Ionna Vautrin, la beauté du quotidien

À 37 ans, la récipiendaire du Compasso d’Oro pour sa lampe Binic (Foscarini) rayonne au-delà de sa culture de l’objet. À son studio ou dans son bureau chez elle, les objets méticuleusement choisis dialoguent avec naturel. À écouter la designer, l’aspect décoratif d’un objet ou d’un meuble fait partie de ses fonctions essentielles. Nous l'avons rencontré dans son studio en pleine séance d'illustration d'un Kamasutra léger et coquin, à découvrir en vidéo à la fin de cet article.

À Paris, son book a atterri chez les Bouroullec. « Quelques entretiens plus tard, ils m’ont engagée, j’ai eu de la chance », se souvient celle qui est restée cinq ans avec la fratrie. À travers son mobilier, le souvenir du duo est présent jusque dans son salon. Elle a aimé les voir à l’œuvre, bénéficiant ainsi d’un point de vue passionnant sur le monde des éditeurs, « depuis le cœur de la machine ». Elle précise : « On ne peut pas être designer si on n’est pas prêt à assumer des déceptions. Parce que c’est 99 % de déception pour 1 % de bonheur, mais parfois ce 1 % peut se transformer en 100 % de bonheur ! »

Ici, on pense design en se lavant les mains (croquis de Bec, des statuettes en céramique chez Bosa).
Ici, on pense design en se lavant les mains (croquis de Bec, des statuettes en céramique chez Bosa). Gianni Basso/Vega MG

En parlant de bonheur, les dessins de ses grandes figurines animales pour l’éditeur italien Bosa sont affichés chez elle comme dans son studio. Le dessin est beau, l’objet aussi. Bec est une grande statuette d’oiseau stylisé, avec un corps de pingouin en céramique sombre. Ses trois sortes de becs jaunes suffisent à en faire un canard, un toucan ou une mouette. Le genre d’objets qui vous dit « bienvenue ! » quand vous rentrez chez vous. Au fond, être la reine des petits objets n’a rien de dévalorisant. Il y a quatre ans, la SNCF lui a commandé la lampe qui va équiper ses trains Euroduplex Océane. L’idée était de livrer un objet iconique à la SNCF et de donner au train un côté plus domestique justement. Le résultat ne déparerait pas dans l’univers domestique.

Rien ni personne n’empêche la designer d’exposer et de publier ses dessins érotiques (à découvrir dans « Le Kamasutra illustré de Ionna Vautrin », à paraître chez Flammarion le 1er février).
Rien ni personne n’empêche la designer d’exposer et de publier ses dessins érotiques (à découvrir dans « Le Kamasutra illustré de Ionna Vautrin », à paraître chez Flammarion le 1er février). Gianni Basso/Vega MG

Dernière claque visuelle avec Cyclope, posé sur une étagère, un très beau miroir au pied en céramique, un peu convexe, un peu sorcière (Moustache). « Je ne m’empêche pas de faire des objets décoratifs, contrairement à d’autres designers qui se calent dans la veine de Dieter Rams, que j’adore, mais la fonction décorative est aussi une fonction en soi », dit-elle. Elle trouve libératoire de s’autoriser à faire autre chose, comme un livre de dessins érotiques chez Flammarion, des déguisements pour enfants, devenus exposition itinérante, ou un foyer pour étudiants. « Le design n’est pas forcément un domaine d’application, mais une façon de penser qui peut s’appliquer à plein de choses », conclut celle pour qui même nos alarmes anti-feu pourraient être moins moches…