Quand les fondateurs de la galerie Kreo voyagent...

Fondateurs de la Galerie Kreo, Clémence et Didier Krzentowski sont fous de design, bien sûr, mais aussi d'art contemporain. Une passion demeurée dans la sphère privée puisqu'ils ne proposent dans leurs galeries parisienne et londonienne que des pièces de mobilier contemporain et des luminaires vintage. Ces grands voyageurs qui volent de foire en foire – ils participeront en mai au Tefaf New York – livrent leur vision joyeuse du monde, du voyage et de l'art.

Votre plage préférée ?
C. et D. : Celles de Saint-Barthélemy sont à tomber. Saline est notre préférée. On y va l’été, c’est très calme. Pendant des années, nous avons refusé d’y mettre les pieds, nous attendant à un Saint-Tropez en pire, et nous avons finalement découvert des plages sauvages sublimes.

Un pays cher à votre cœur ?
C. : L’Italie façon Grande Bellezza (référence au film de Paolo Sorrentino). J’aime toutes ses régions : Rome, Venise, la côte Amalfitaine, la Toscane. J’y vais chaque fois avec grand plaisir. La cuisine est délicieuse, le dialogue entre les époques vivifiant et, surtout, leur culture est très proche de la nôtre, très compréhensible.

Quelle est la ville la plus passionnante ?
C. et D. : Berlin. C’est un endroit parfait pour démarrer en Europe. Beaucoup de créateurs y trouvent un cadre où ils ont des conditions de travail plus que décentes, où ils peuvent s’exprimer dans un atelier plutôt que dans un minuscule studio. C’est aussi une ville tolérante, où les gens communiquent et où la communauté artistique est très forte. Nous y avons récemment rencontré un collectif dans un immeuble : un designer, un photographe et un créateur de mode se partagent les lieux et ont investi l’ancienne boucherie du rez-de-chaussée, où ils vendent des T-shirts. Cette boutique est ouverte jusqu’à ce qu’ils aient atteint la somme dont ils ont besoin pour vivre. Après cela, ils ferment et ­profitent de leur temps libre. Nous n’avons jamais trouvé ça ailleurs.

Où se cache la ville du futur ?
C. : On a pensé à Berlin, Tokyo ou Shanghai. J’ai eu cette impression alors que j’étais à Hong Kong, il y a vingt ans, au moment de l’indépendance. Les Hongkongais imaginaient un avenir radieux ; le monde était devant eux. Mais j’ai plutôt l’impression que ce sera une ville que l’on n’attend pas. Peut-être en Afrique, en friche aujourd’hui et qui demain va exploser.

Une ville dont vous ne vous lasserez jamais ?
C. et D. : Nous sommes parisiens tous les deux, nous avons grandi ici et sommes très attachés à cette ville. Revenir est toujours un plaisir, surtout dans notre appartement, car nous avons la chance d’habiter sur les quais. Il subsiste à Paris une certaine douceur de vivre et un bon ­équilibre entre respect du patrimoine et modernité.

Quel artiste vous fait voyager ?
C. : Tous, dès lors qu’ils ont la faculté de me transporter dans leur univers. Je suis touchée par la matière, comme avec Tatiana Trouvé, qui nous emmène à la fois dans un cheminement physique grâce à son choix de matériaux – pierre, cuivre, laiton – et dans un univers conceptuel.
D. : Dominique Gonzales-Foerster. Ses œuvres et ses installations sont des voyages dans le temps, dans l’espace, dans l’imaginaire…

Vos artistes contemporains fétiches ?
C. et D. : Tatiana Trouvé, Philippe Parreno, Roni Horn, Jason Rhoades, Latifa Echakhch, André Cadere, Robert Barry… Des artistes qui ­intègrent pas mal d’installations.

Vos photographes culte ?
C. : Bernd et Hilla Becher.
D. : Nan Goldin, que je collectionne depuis ses débuts.
C. et D. : Nous avons constitué notre première collection avec des œuvres d’artistes qui utilisaient la photo, comme Cindy Sherman, Nan Goldin, Bernd et Hilla Becher, Thomas Struth et Wolfgang Tillmans. Ce n’étaient pas des photographes au sens propre ; il ne s’agissait pas ­forcément de bonnes photos mais de vrai travail d’artiste.

Votre dernière émotion artistique ?
C. : Cy Twombly à Pompidou.
D. : Philippe Parreno à la Tate Modern, dans le Turbine Hall : magique !

Votre musée d’art contemporain de prédilection ?
C. : La Fondation Beyeler, à Bâle : j’adore l’architecture de Renzo Piano. Ce lieu et l’intégration du bâtiment dans son environnement, c’est magnifique. La lumière du jour est extraordinaire et les proportions des salles sont idéales car elles n’ont pas le gigantisme de certains musées que je déteste. Ce sont des pièces intimes, qui créent une relation ­intéressante avec les œuvres.
D. : L’ancien Whitney Museum de Marcel Breuer, nouvellement Met Breuer (à New York).

Les foires qui retiennent le plus votre attention ?
C. et D. : Celle de Bâle, car on y vient pour voir de l’art, contrairement à d’autres où l’on vient plutôt pour cultiver son réseau ou faire la fête.
C. : Je trouve également intéressantes les petites foires à taille ­humaine qui vous font découvrir de nouveaux artistes, comme au Brésil, au Mexique, à Istanbul.

Vos galeristes de référence ?
C. et D. : Kamel Mennour à Paris, Esther Schipper à Berlin ou Thaddaeus Ropac (à Paris, Pantin, Salzbourg et Londres).