Les petits secrets de La Maison Pierre Yovanovitch

Affable et généreux, Pierre Yovanovitch est un homme pressé qui a la délicatesse d'accorder un temps précieux à tous ses visiteurs. Une délicatesse et une écoute qu'il met au service de ses projets depuis seize ans et qu'il a matérialisées dans La Maison Pierre Yovanovitch, où il vient d'installer son agence d'architecture d'intérieur, au cœur du IIe arrondissement parisien.

L’autre dimension du style français qu’il défend, c’est l’éclectisme, une forme de tension entre le minimalisme et la sophistication. Bref, des lignes raides mais confortables. Dans son agence ou chez ses clients, il introduit une autre forme de tension : le contemporain vs. le vintage. « Le chic français, c’est oser ce mélange de création contemporaine et d’objets du passé. Pour cela, je collabore avec des artisans qui me suivent depuis dix ou quinze ans, notamment des ébénistes de grand talent, des tapissiers, des céramistes, des maîtres verriers… qui tiennent tous une place très importante dans mes projets. J’aime aussi réunir les compétences et faire dialoguer des artisans qui, spontanément, n’auraient pas travaillé ensemble. »

Dans la maison-studio de Pierre Yovanovitch, sculpture d’Erwin Wurm.
Dans la maison-studio de Pierre Yovanovitch, sculpture d’Erwin Wurm. Nicolas Krieff

Parmi ses derniers projets, les bureaux de la présidence de Kering, un immense hôtel particulier aux Invalides, un chai dans la vallée du Douro (Portugal), et une myriade de maisons particulières, du Caire jusqu’aux Hamptons. À chaque fois, il s’engage corps et âme. « On se lance parfois sur cinq ans ! Par exemple, les 3 500 m2 sur lesquels je travaille actuellement sur l’esplanade des Invalides, c’est mon plus grand projet, un truc de dingue. Le projet d’une vie ! »

Sur le parquet Versailles en chêne massif trône dans un coin de la salle de réunion le fauteuil « Papa Ours » de Pierre Yovanovitch éclairé par un lampadaire de Hans Bergström (1940).
Sur le parquet Versailles en chêne massif trône dans un coin de la salle de réunion le fauteuil « Papa Ours » de Pierre Yovanovitch éclairé par un lampadaire de Hans Bergström (1940). Nicolas Krief

Modestes ou gigantesques, les projets de Pierre Yovanovitch sont animés de sensations. Notamment à travers ses micro-architectures, des petites cabanes, sortes de sous-espaces dans lesquels les gens se sentent protégés, comme celle de la Patinoire royale de Bruxelles ou une autre, pour un projet de maison en Suisse.

Salle de réunion dans le studio de Pierre Yovanovitch.
Salle de réunion dans le studio de Pierre Yovanovitch. Nicolas Krieff

Des sensations qui naissent aussi du travail sur la lumière : « Elle est le point de départ de l’architecture, elle va dessiner un lieu. Sur l’un de mes derniers chantiers, nous avons percé le plafond pour aller la chercher afin qu’elle crée un relief et modifie la physionomie de l’espace. Je pense toujours à elle lorsque je dessine mes projets. Je l’aime douce et pas écrasante. J’aime lorsqu’elle crée des volumes, des reliefs », décrypte celui pour qui la lumière fut l’un des fils conducteurs de la rénovation de son propre château, dans le sud-est de la France, près de Saint-Tropez (voir encadré).

La cuisine rouge brique, petite ruche dont le mobilier est signé Pierre Yovanovitch.
La cuisine rouge brique, petite ruche dont le mobilier est signé Pierre Yovanovitch. Nicolas Krief

Son prochain chantier d’ambassadeur du style hexagonal est prévu à la rentrée, à New York. Pierre Yovanovitch sera le premier Français exposé chez R & Company (du 7 septembre au 19 octobre). La célèbre galerie new-yorkaise, qui associe mobilier vintage et pièces contemporaines, aime plonger ses visiteurs dans des scénographies immersives. Pierre Yovanovitch ne fera pas exception en prenant littéralement possession des lieux : il proposera dans la pièce principale de la galerie une scénographie radicale fidèle à sa signature.

Dans la cuisine, au mur, plat en céramique de Bruno Gambone.
Dans la cuisine, au mur, plat en céramique de Bruno Gambone. Nicolas Krieff

Construira-t-il des boîtes pour rythmer l’espace ou viendra-t-il jouer avec la couleur pour défendre sa signature auprès du public new-yorkais ? Ce qui est défini pour le moment, c’est que la collection sera composée d’une vingtaine de pièces de mobilier et de luminaires aux dessins et aux finitions inédits, c’est-à-dire des pièces dessinées pour l’occasion et fabriquées par les artisans d’art français et européens avec lesquels il a l’habitude de collaborer.

Dans un recoin du studio, « On The Come Up » de Derrick Adams (2015).
Dans un recoin du studio, « On The Come Up » de Derrick Adams (2015). Nicolas Krieff

Mais aussi des pièces de designers qu’il a puisées dans le fonds de la galerie R & Company. Il s’agira notamment d’antiquités brésiliennes du XXe siècle des Brésiliens Joaquim Tenreiro (années 40 et 50) et Sergio Rodrigues (années 50). Enfin, comme dans tous ses projets, l’art viendra sublimer l’espace grâce à la présence d’œuvres empruntées pour l’occasion auprès de galeries d’art contemporain new-yorkaises. Une nouvelle façon d’exposer le style français à l’étranger…