Visite : Royan, solaire et exotique

L’architecture fifties de Royan bouscule toutes les références tant elle a donné naissance à un style propre, mélangeant Bauhaus, influences d’Auguste Perret et de Le Corbusier… et tropicalisme débridé venu du Brésil ! Sa situation balnéaire a sans doute engendré ce joyeux lyrisme toujours visible, à la fois inventif, fonctionnel, coloré et aérien. Mais cet héritage du XXe siècle commence à se fragiliser et il devient urgent de protéger ce patrimoine.

Autre exploit architectural porté par 24 piliers à section en V, l’impressionnante église Notre-Dame en béton moulé, d’une hauteur de 35 mètres sous voûte et de 56 mètres sous clocher, a été conçue par Guillaume Gillet.
Autre exploit architectural porté par 24 piliers à section en V, l’impressionnante église Notre-Dame en béton moulé, d’une hauteur de 35 mètres sous voûte et de 56 mètres sous clocher, a été conçue par Guillaume Gillet. Nicolas Krief

Prouesse de 35 mètres de hauteur sous voûte (56 mètres au clocher) supportée par 24 piliers en forme de V, l’église Notre-Dame se coule elle aussi dans un voile de béton. « Disciple d’Auguste Perret, l’architecte Guillaume Gillet laisse l’édifice brut de décoffrage, dans sa vérité, son économie et sa fonctionnalité », précise Charlotte de Charette. Son aspect massif ne dit rien de l’intérieur, saisissant. Le triangle du porche répond aux vitraux dessinés par Gillet. Lames posées sur tranche, leurs gris tamisent d’argent toute la nef. Qualifié à raison de gothique moderne, ce chef-d’œuvre est en cours de restauration.

Son intérieur, avec ses vitraux du maître verrier Henri Martin-Granel, est tout aussi époustouflant.
Son intérieur, avec ses vitraux du maître verrier Henri Martin-Granel, est tout aussi époustouflant. Nicolas Krief

Premier du genre également, le palais des congrès sur pilotis de Claude Ferret affiche un luxueux volume, agrémenté de claustras, de hublots et de terrasses. La rotonde ajourée, usinée par les frères Prouvé, devrait réapparaître au cours d’une future rénovation. Les passionnés observeront aussi la galerie Botton, pastiche dessiné par ­Henri-Pierre Maillard et Armand Jourdain d’un pavillon de l’architecte brésilien Francisco Bolhona ; ou la gare routière en escargot avec sa toiture déroulée sur pilotis, œuvre de Louis Simon et Pierre-Gabriel Grizet. « Ce secteur de la “Tache verte” est couronné par le stade signé Claude Bonnefoy, jamais achevé mais remarquable par ses entrées surmontées de virgules de béton et ses voûtes monumentales supportant les gradins », pointe l’animatrice. On pousse la visite jusqu’aux 24 charmantes maisons de style tropical fifties : les tout premiers préfabriqués du pays, destinés à loger les ouvriers du chantier.

L’église Notre-Dame-de-l’Assomption, inspirée d’un projet d’Oscar Niemeyer, peut s’ouvrir pour des messes en plein air.
L’église Notre-Dame-de-l’Assomption, inspirée d’un projet d’Oscar Niemeyer, peut s’ouvrir pour des messes en plein air. Nicolas Krief

Des beautés se cachent aussi dans le quartier du Parc, à l’ombre de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, inspirée d’un projet religieux d’Oscar Niemeyer. Une ruelle recèle un manifeste artistique figé dans son abandon signé Barre, avec claustras, parements de verre et de pierre, rambardes sculptées, hublots en relief, garde-corps badigeonné de bleu. Dominant la plage de la Grande Conche, la villa Ombre blanche, de Claude Bonnefoy, a été rénovée avec réussite par ses actuels propriétaires. « Sur pilotis, elle emprunte volumes et matériaux à la villa Savoye de Le Corbusier. Sa façade biseautée blanche est repérable depuis la mer », explique notre guide.

Joyau de Royan logé en bord de mer, la villa Ombre blanche, vue ici depuis le jardin, a été conçue par Claude Bonnefoy et rénovée par ses actuels propriétaires. Montée sur pilotis, elle est souvent comparée à la villa Savoye de Le Corbusier.
Joyau de Royan logé en bord de mer, la villa Ombre blanche, vue ici depuis le jardin, a été conçue par Claude Bonnefoy et rénovée par ses actuels propriétaires. Montée sur pilotis, elle est souvent comparée à la villa Savoye de Le Corbusier. Nicolas Krief

Autre coin emblématique, Foncillon présente un méli-­mélo stylistique parmi lequel la tour de Louis Simon et de nombreuses villas. Certaines sont jumelées sur un plan horizontal, comme Coraline (de Jean Bauhain, René Baraton et Marc Hébrard), économique, certes, mais spectaculaire. Balata (des mêmes architectes), rehaussée sur pilotis, révèle sa gracieuse passerelle au-dessus d’un jardin japonisant. On croise aussi une maison digne de la BD Spirou (toujours du même trio), qui mêle porche de verre, brise-vue façon gruyère peint en vert et mur jaune fileté de rouge. Ou encore la résidence « Taunay », conçue par Louis Simon, repérable à son escalier en résille sur la façade.

Dans le quartier de Foncillon, cette villa ultracolorée, construite par Jean Bauhain, René Baraton et Marc Hébrard, semble tout droit sortie de la BD Spirou.
Dans le quartier de Foncillon, cette villa ultracolorée, construite par Jean Bauhain, René Baraton et Marc Hébrard, semble tout droit sortie de la BD Spirou. Nicolas Krief

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