Portrait : Édouard François, fer de lance de l'architecture végétale

Édouard François occupe une place à part dans le paysage architectural français. Honni ou adulé, il a le mérite de ne pas mâcher ses mots ni de craindre d’en faire trop. Son franc-parler est réjouissant, dans un milieu trop souvent corseté par la bienséance. Chantre de l’architecture végétale, il réalise des bâtiments iconoclastes qui, comme lui, ne laissent personne indifférent : L’Immeuble qui pousse à Montpellier, l’hôtel Fouquet’s Barrière et la Tower Flower à Paris… En 2012, il a rebaptisé son agence Maison Édouard François, une manière d’assumer avec le sourire le milieu aristocratique dont il est issu. Il y a dix-huit mois, il a quitté le XVe arrondissement pour le quartier de la Bastille, à quelques rues d’IDEAT. Lors de notre rencontre, nous avons parlé architecture mais aussi organisation du travail, lithothérapie et fleur de sel…

Édouard François, après des années passées dans le XVe arrondissement, vous vous êtes récemment installé dans le quartier de la Bastille. Pour quelle raison ?
Je suis resté trop longtemps dans un immeuble assez moche, derrière la tour Montparnasse. Il était temps de déménager. J’ai mis un bon moment à trouver le lieu adéquat car je cherchais un endroit offrant des espaces que les salariés puissent utiliser le week-end. Il y a un jardin, une salle de conférence, un système de son pour faire des fêtes… Personne n’a ça chez soi à Paris. La zone de travail est sécurisée, donc ils peuvent inviter leurs copains le week-end dans l’agence. C’est une nouvelle manière d’envisager la ­relation avec les collaborateurs.

Dans l’Est parisien, l’Eden Bio accueille des logements et studios d’artistes (2009).
Dans l’Est parisien, l’Eden Bio accueille des logements et studios d’artistes (2009). Axel Dahl

Pourquoi avoir rebaptisé votre agence Maison Édouard François ?
C’est un clin d’œil à mon histoire familiale. Je suis un aristo. Mon aïeul, Georges Binet, était perruquier et confident de Louis XIV. L’aristocratie, c’est un état d’être, une éducation. Je suis la première génération qui travaille depuis 1718. Je trouve que travailler est très amusant.

Et fait-il bon travailler chez vous ?
Toutes les mesures prises à l’agence sont filtrées selon trois critères : le bien-être de la personne, celui du groupe et l’ouverture sur l’extérieur. Aujourd’hui, nous sommes une trentaine. J’essaye de recruter des gens qui n’ont jamais été maltraités. Je sais repérer dans leurs CV les « maltraiteurs » potentiels parmi mes confrères ! Ensuite, ils doivent être bien formés, avoir les bons outils, être passés dans les bons endroits. Quand ces conditions sont réunies, je suis prêt à m’investir, à les former. Je peux embaucher des gens très jeunes. Certains sont là depuis dix ans, je suis leur premier employeur. J’ai supprimé la comptabilisation des congés payés. Il y a du travail à faire, il faut le faire. Mais je les laisse gérer leur emploi du temps comme ils l’entendent. J’achète leur implication avant tout, donc c’est une manière de leur montrer que je leur fais confiance. La pointeuse est tout de même le pire cauchemar du monde du travail ! J’ai instauré ce fonctionnement il y a six mois, j’ai ouvert le ­capital à des associés, je tente des choses.

Dans son agence, Édouard François cultive aussi son amour pour le minéral, son franc-parler et le bien-être de l’ensemble de ses collaborateurs.
Dans son agence, Édouard François cultive aussi son amour pour le minéral, son franc-parler et le bien-être de l’ensemble de ses collaborateurs. Young-Ah Kim