Saga : Arflex, le plus moderne des éditeurs italiens… depuis 1948 !

Depuis plus de soixante-dix ans, le fabricant italien collabore avec des designers et des architectes qui redéfinissent avec lui la notion de modernité. Analyse d’un phénomène qui repose sur des innovations esthétiques autant que techniques.

Bien que produit depuis 2015 par une autre icône de l’industrie italienne du meuble (Cassina, qui l’a classé dans son catalogue « I Maestri »), ce siège avec ses accoudoirs qui font penser à des ailes d’oiseau inaugure le début d’une longue série de collaborations entre Arflex et des architectes et des designers qui vont traduire dans un langage artistique l’engagement de cette marque qui aspire à la modernité. D’abord des Italiens, dans la lignée de Zanuso, qui propose, en 1951 aussi, le sofa Sleep-O-Matic, en forme de banquette arrière de voiture (Arflex a fourni le constructeur automobile Fiat au début des années 50), puis les fauteuils Martingala (1952) et Four-line (1964).

Fauteuil Delfino (1954), design Erberto Carboni, petit fauteuil Botolo (2014), design Cini Boeri, table basse Island (2013) et étagère Match (2015), design Bernhardt & Vella.
Fauteuil Delfino (1954), design Erberto Carboni, petit fauteuil Botolo (2014), design Cini Boeri, table basse Island (2013) et étagère Match (2015), design Bernhardt & Vella. DR

Entre-temps, Franco Albini livre sa propre relecture d’un classique des arts décoratifs : la bergère à oreilles. Ce modèle, nommé Fiorenza, n’est jamais sorti du catalogue de la maison depuis 1952, contrairement au très graphique Cubo des frères Castiglioni (lancé en 1957 et maintenant chez Meritalia) ou au Delfino d’Ernesto Carboni (1954), classé dans le courant du design biomorphique (arrêté puis de nouveau édité par Arflex). « Ce mobilier n’a jamais vieilli. La collection d’assises “Elettra”, conçue pour nous par le studio BBPR en 1954, a même été choisie récemment pour meubler le restaurant d’Alain Ducasse Spoon, à Paris », souligne Fausto Colombo. « Tout est fabriqué dans la région de la Brianza, au nord de Milan, où le siège d’Arflex a déménagé à la fin des années 60 », précise encore le dirigeant. Et, s’il est vrai que le design des débuts n’a pas pris une ride, l’offre du fabricant n’a jamais cessé d’évoluer grâce à des collaborateurs de la trempe de Cini Boeri, mais aussi de Joe Colombo, de Michele De Lucchi ou encore d’Oscar Tusquets, pour la période 1960-1980.

Paravent Vela (2016), design Bernhardt & Vella.
Paravent Vela (2016), design Bernhardt & Vella. DR

Mais c’est l’année 1995 qui scelle le devenir de la maison, quand le groupe Seven Salotti la rachète afin de l’aider à se développer. Son fondateur n’est autre que Pierantonio Colombo, le père de Fausto Colombo, qui, depuis, a repris le flambeau, épaulé par son frère et ses sœurs : Laura, directrice artistique, Giovanni, attaché à la production, et Patrizia, aux médias sociaux. « En plus de l’originalité des circonstances de sa création par des employés de Pirelli, c’est devenu une histoire de famille, ce qui contribue à son charme », confirme Nadine Tordjman, fondatrice et directrice de Siltec, qui a ouvert le premier showroom parisien d’Arflex en 2015. On peut y admirer quelques pièces historiques mêlées aux nouvelles créations de designers internationaux. Car, ces dernières années, les Colombo ont regardé à l’extérieur de la Botte pour redéfinir leurs critères esthétiques. « Nous aimons nos classiques, mais nous ne sommes pas figés dans le passé. De- puis quelque temps, nous avons changé pour adopter un goût plus scandinave », ajoute à ce sujet Fausto Colombo, prenant pour exemple le travail effectué avec le trio Claesson Koivisto Rune depuis maintenant dix ans. Peu à peu, le style à la fois gai et minimaliste de ces Suédois est entré dans le cahier des charges d’Arflex, à qui ils ont présenté le duo d’architectes chinois Neri & Hu. Ceux-ci viennent de dessiner le canapé et le fauteuil Cradle et travaillent sur une collection de tables basses assorties.

Canapé Naviglio (2007), design Umberto Asnago, fauteuil Cradle (2017), design Neri & Hu, et table basse Bonsai (2016), design Claesson Koivisto Rune.
Canapé Naviglio (2007), design Umberto Asnago, fauteuil Cradle (2017), design Neri & Hu, et table basse Bonsai (2016), design Claesson Koivisto Rune. DR

« C’est une marque illustre qui possède un savoir-faire exceptionnel », s’enthousiasment Lyndon Neri et Rossana Hu, heureux de mettre leur talent au service du fabricant. Et ils ne sont pas les seuls. Le créateur espagnol Jaime Hayón, auteur en 2017 de la collection « Arcolor » et du fauteuil lounge Leafo, décrit « une équipe d’un grand professionnalisme, avec qui l’on peut discuter et retravailler les prototypes, encore et encore ». Du côté de la France, c’est Jean Nouvel qui, en 2014, s’est inspiré de Strips pour son projet KNP : une structure de canapé en bois et une couette séparée. Quant au jeune architecte Antoine Simonin, il présente cette année ses toutes premières éditions chez l’italien : les banquettes Sigmund.

Banquette Sigmund (2018), design Antoine Simonin.
Banquette Sigmund (2018), design Antoine Simonin. DR

« Les premiers meubles dont je me souviens, quand j’étais petit, ce sont les fauteuils Lady que ma grand-mère avait chez elle. Ensuite, j’ai acheté pour ma maison le canapé K2, dessiné en 2010 par Carlo Colombo », raconte celui qui a également accroché sur un mur de son studio du IXe arrondissement de Paris le luminaire en verre coloré Papillon, des architectes milanaises Bernhardt & Vella, sorti il y a deux ans. Une véritable galaxie de créateurs qui gravite autour d’Arflex depuis 1947, attirés par des valeurs sûres : la qualité, le style et l’innovation.

Arflex : table basse Infinity (2018), design Claesson Koivisto Rune.
Arflex : table basse Infinity (2018), design Claesson Koivisto Rune. DR

Arflex by Siltec. 53, rue de Miromesnil 75008 Paris. Tél. : 01 42 66 09 13.

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