Tendance : John Pawson, apôtre du minimalisme chaleureux

John Pawson impose cet été son sens de l'épure jamais monacal dans le nouvel hôtel Jaffa de Tel Aviv. Rencontre.

A l’occasion de l’inauguration du Jaffa Hotel, à Tel Aviv, nous avons passé une calme après-midi de printemps avec John Pawson, l’architecte britannique en charge de sa rénovation. Tête de proue du design minimaliste, maître de la sobriété et de l’épure, c’est un homme modeste et discret que nous découvrons. Chemise blanche et pantalon gris pâle, mocassins en nubuk clair… Sa tenue s’accorde harmonieusement avec les tonalités des pierres naturelles et des bétons nus qu’il affectionne tant. En un instant, on a saisi que le minimalisme n’est pour lui ni un style ni même une signature, loin de là. C’est un vrai mode de vie, une philosophie, une aspiration vers une existence plus simple, qui le nourrit depuis l’enfance.

L’architecte britannique John Pawson.
L’architecte britannique John Pawson. Sharon Derhy

En sa compagnie, on comprend vite que le dépouillement à la Pawson n’est ni froid ni rigoureux mais sincère, tranquille et reposant, à plus forte raison dans cet hôtel historique à l’ombre des chèvrefeuilles ! Son inspiration, il la puise dans la quiétude de temps révolus. Plus exalté par les bâtiments monastiques que par les sempiternels héros des mouvements modernes, il explique que l’architecture est lente par nature. Il faut du temps aux idées pour devenir des lieux. Interview.


Qu’est-ce que le minimalisme pour vous ?
Depuis tout petit, j’ai toujours été plus heureux avec peu d’affaires. Je n’ai jamais été très intéressé par les objets… Alors que mes parents et mes sœurs, si ! Quand vous accumulez des choses tout le temps, je trouve qu’il est difficile de garder son calme. Pour moi, ce qui compte, c’est l’espace, pas de savoir si vous avez des choses précieuses ou pas. Pour moi, c’est une quête de clarté. Il est intéressant que le mot minimalisme soit resté, mais en réalité je suis un manipulateur d’espace. Je crée des pièces et des ambiances, et je considère les meubles, les proportions, la lumière et les matériaux comme de simples moyens de transformer l’espace.

Ultra-graphique, le Design Museum de Londres porte la signature de John Pawson.
Ultra-graphique, le Design Museum de Londres porte la signature de John Pawson. Design Museum London

Et la couleur dans tout ça ?
Une pièce toute blanche a de la couleur ! Vous ne pouvez pas l’évincer… Cependant, les couleurs synthétiques représentent un problème pour moi. Les choses peintes, sauf les peintures elles-mêmes bien sûr.

Y-a-t-il des architectes qui vous ont particulièrement inspiré ?
Pas vraiment… Evidemment, il y a des praticiens extraordinaires comme Ludwig Mies Van Der Rohe ou Louis Kahn. Mais je suis plus attiré par l’architecture cistercienne du XIIe siècle, comme celle de l’Abbaye du Thoronet (Var), ou par l’Egypte ancienne, par l’austérité des Shakers ou par les maisons de thé japonaises du 16e siècle.

Span Table (Salvatori).
Span Table (Salvatori). Salvatori

L’hôtel Jaffa était à l’origine un hôpital, construit au XIXe sur les hauteurs d’un des plus anciens ports du monde. Sa restauration a révélé des traces laissées par les différents conquérants de la ville : Romains et Croisés, Byzantins et Ottomans. Comment avez-vous approché ce projet ?
Je m’intéresse à la fois à l’espace et aux choses qui n’interfèrent pas avec l’espace. Mon approche a été la même. L’idée est de garder le meilleur de tout ce que vous rencontrez. Garder le meilleur de l’architecture du XIXe et se débarrasser de tout ce qui peut interférer avec ça. Pareil pour les parties neuves. Et je voulais qu’aucun espace ne soit compromis. On a donc conservé tous les murs. Du coup, certaines douches font 6 ou 7 mètres sous plafond…

Chambre de l’hôtel Jaffa où se mêlent des vestiges de l’âge de bronze et de l’Empire Ottoman avec la vision moderne et minimale de John Pawson.
Chambre de l’hôtel Jaffa où se mêlent des vestiges de l’âge de bronze et de l’Empire Ottoman avec la vision moderne et minimale de John Pawson. Amit Geron

Quel a été le plus gros challenge de cette rénovation ?
Le temps. Ca s’est fait sur un si long laps de temps. L’architecture est un long jeu. J’ai juste énormément de chance qu’Aby (Aby Rosen, co-fondateur de RFR Holding et propriétaire du Jaffa, NDLR) ait été patient lui aussi. La plupart des promoteurs auraient abandonné avant la fin…

Le restaurant Deli de l’hôtel Jaffa à Tel Aviv.
Le restaurant Deli de l’hôtel Jaffa à Tel Aviv. Amit Geron

The Jaffa, 2, rue Louis-Pasteur, Tel-Aviv-Jaffa, Israël, tél. : +972-3 516 20 00, www.thejaffahotel.com

 

Thématiques associées