Immersion : Dans l’usine de Sammode, fabricant d’éclairages français

IDEAT vous emmène dans les Vosges chez Sammode, une entreprise qui ne cesse de réinventer l'éclairage, tout en défendant ses valeurs d’origine depuis quatre-vingt-dix ans…

On entend souvent dire qu’il n’existe plus d’industrie en France. Que tout est délocalisé, que l’Asie – pour ne pas pointer directement la Chine – cannibalise tous les marchés. Que les nouvelles technologies bouleversent l’ordre établi et rebattent les cartes. Pour autant, certains irréductibles Gaulois font encore de la résistance sur notre territoire, comme Sammode, entreprise lorraine d’éclairage technique. En quatre-vingt-dix ans, cette société familiale indépendante s’est adaptée et n’a cessé d’innover pour surmonter épreuves et bouleversements. Tout en conservant ce qui l’anime depuis l’origine : une exigence sans faille sur la qualité et la pertinence des produits, une fabrication 100 % française dans son usine vosgienne et un savoir-faire maintenu et développé au fil des décennies. Des valeurs en guise d’héritage que partagent et se transmettent chaque génération, des dirigeants aux équipes de conception et de fabrication.

Emmanuel Gagnez a repris la direction de l’entreprise en 2009 et porte sur ses épaules la destinée du groupe, qui devient aujourd’hui européen.
Emmanuel Gagnez a repris la direction de l’entreprise en 2009 et porte sur ses épaules la destinée du groupe, qui devient aujourd’hui européen. Nicolas Krief pour IDEAT
L’usine s’étend sur presque 4 500 m2 et regroupe le stockage, la tôlerie, l’assemblage et les bureaux administratifs.
L’usine s’étend sur presque 4 500 m2 et regroupe le stockage, la tôlerie, l’assemblage et les bureaux administratifs. Nicolas Krief pour IDEAT

Louis Lemaire, un brasseur-limonadier, fonde Sammode à Châtillon-sur-Saône (Vosges) en 1927 et installe déjà à l’époque son siège à Paris. Il développe l’éclairage électrique, à la fois architectural et technique, auprès des administrations, dans les espaces urbains, les bâtiments industriels et le résidentiel. Après son décès, en 1957, son gendre, Jacques Gagnez, reprend les rênes de l’entreprise et la fait entrer dans l’ère de la fluorescence, qui marque un véritable changement technique. Pour accompagner celui-ci, Sammode innove en 1967 avec un modèle qui fait aujourd’hui encore sa renommée mondiale : le TFH, ou tube fluorescent hermétique. Basé sur un tube en verre totalement étanche, ce système offre une protection parfaite de la source lumineuse contre les poussières, les vibrations, la corrosion et l’humidité. Il autorise une utilisation dans les milieux les plus hostiles et sensibles, comme les aciéries, les raffineries et les centrales nucléaires, renforçant encore le positionnement industriel de l’entreprise.

Une fois graissées à la main, les plaques d’acier Inox sont placées dans une poinçonneuse afin qu’on y découpe les pièces destinées aux luminaires ou aux grilles décoratives.
Une fois graissées à la main, les plaques d’acier Inox sont placées dans une poinçonneuse afin qu’on y découpe les pièces destinées aux luminaires ou aux grilles décoratives. Nicolas Krief pour IDEAT
Cette machine permet de créer les flasques, c’est-à-dire les embouts métalliques qui composent le système TFH, ou tube fluorescent hermétique. Ceux-ci referment le tube de part et d’autre et en garantissent l’étanchéité.
Cette machine permet de créer les flasques, c’est-à-dire les embouts métalliques qui composent le système TFH, ou tube fluorescent hermétique. Ceux-ci referment le tube de part et d’autre et en garantissent l’étanchéité. Nicolas Krief pour IDEAT
Selon le programme chargé dans la poinçonneuse, celle-ci va découper les pièces ou réaliser les trous pour l’assemblage.
Selon le programme chargé dans la poinçonneuse, celle-ci va découper les pièces ou réaliser les trous pour l’assemblage. Nicolas Krief pour IDEAT

Avec Thierry Gagnez, succédant à son père en 1979, Sammode, qui s’était concentrée sur l’univers industriel, opère un retour vers le monde de l’architecture. « Mon père a permis à Sammode de devenir une marque identifiée et appréciée des architectes, indique Emmanuel Gagnez, le fils de Thierry, patron de la société depuis 2009. Nous avons participé à des projets d’envergure comme Les Deux Plateaux (ou « colonnes de Buren ») avec Patrick Bouchain en 1985, la Grande Halle de la Villette avec Bernard Reichen et Philippe Robert, sans oublier la Bibliothèque nationale de France avec Dominique Perrault. » C’est d’ailleurs ce dernier qui réalisera le siège et le showroom de Sammode à Paris.

Cette grille conçue pour le musée des Arts décoratifs passera dans une rouleuse qui lui donnera sa forme cylindrique.
Cette grille conçue pour le musée des Arts décoratifs passera dans une rouleuse qui lui donnera sa forme cylindrique. Nicolas Krief pour IDEAT
Une fois la grille métallique insérée dans le tube de verre ou en polycarbonate-méthacrylate, certains modèles, comme ici Kyhn, sont scellés sur une extrémité par un système spécifique.
Une fois la grille métallique insérée dans le tube de verre ou en polycarbonate-méthacrylate, certains modèles, comme ici Kyhn, sont scellés sur une extrémité par un système spécifique. Nicolas Krief pour IDEAT
Opération délicate et de précision : la soudure des grilles.
Opération délicate et de précision : la soudure des grilles. Nicolas Krief pour IDEAT

Emmanuel Gagnez imprime lui aussi sa marque dans l’entreprise. Comme ses aînés, il doit à son tour faire face à des changements d’importance, comme la généralisation de la LED, qui oblige la société à repenser ses produits, à s’adapter et à grandir. Il développe ainsi un nouveau secteur, celui de la décoration, en créant Sammode Studio avec la collaboration de Normal Studio, une entité présentée au salon Maison & Objet en janvier 2016. C’est là un écho au passé et à l’origine même de l’entreprise, qui dès le début fournissait aux particuliers des luminaires pour toute la maison.

Certaines pièces détachées délicates sont fabriquées manuellement par les équipes de Sammode. Les autres sont réalisées à la chaîne par les poinçonneuses.
Certaines pièces détachées délicates sont fabriquées manuellement par les équipes de Sammode. Les autres sont réalisées à la chaîne par les poinçonneuses. Nicolas Krief pour IDEAT
Il faut prévoir de grandes quantités de pièces, comme ici les flasques, pour assurer la production.
Il faut prévoir de grandes quantités de pièces, comme ici les flasques, pour assurer la production. Nicolas Krief pour IDEAT
Une fois préparé, câblé, les sources lumineuses en place, le dispositif est inséré dans le tube.
Une fois préparé, câblé, les sources lumineuses en place, le dispositif est inséré dans le tube. Nicolas Krief pour IDEAT

Symbole de l’indéfectible volonté de maintenir la qualité, l’usine de Châtillon-sur-Saône reste l’unique site de production de Sammode, dans lequel tout est réalisé et contrôlé, avec une traçabilité totale. Les 4 500 m2 que compte le lieu se répartissent entre le stockage et ses 14 000 lignes uniques de composants, la tôlerie où s’enchaînent les diverses étapes de production des pièces (emboutissage, découpe par poinçonnage ou au laser, pliage…), l’assemblage et la partie administrative. Chaque modèle fabriqué sur place nécessite entre 60 et 200 composants. Avec une telle variété, un luminaire Sammode tient de la réalisation sur mesure, même pour une commande importante. « C’est justement cette capacité d’individualisation qui offre un rempart contre la concurrence et jugule le risque de copie, important dans le secteur », indique Emmanuel Gagnez.

Pour certaines pièces aux formes particulièrement complexes, qui demandent une grande précision ou des petites séries, la découpe au laser est également utilisée.
Pour certaines pièces aux formes particulièrement complexes, qui demandent une grande précision ou des petites séries, la découpe au laser est également utilisée. Nicolas Krief pour IDEAT
Dernier tour de main pour le montage avec la mise en place des éléments qui garantissent l’étanchéité, évitent les vibrations, les chocs, le vandalisme…
Dernier tour de main pour le montage avec la mise en place des éléments qui garantissent l’étanchéité, évitent les vibrations, les chocs, le vandalisme… Nicolas Krief pour IDEAT
Vérification à tous les niveaux, y compris en fin de parcours, des modèles, comme cette lampe Lö imaginée par le plasticien Yann Kersalé. Éteinte, elle ressemble à un tube miroir. Allumée, elle laisse apparaître des prismes.
Vérification à tous les niveaux, y compris en fin de parcours, des modèles, comme cette lampe Lö imaginée par le plasticien Yann Kersalé. Éteinte, elle ressemble à un tube miroir. Allumée, elle laisse apparaître des prismes. Nicolas Krief pour IDEAT

Pour continuer à innover, Sammode a racheté à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher) un centre de recherche et développement qui appartenait à Philips et vient de conclure l’acquisition de trois sociétés allemandes d’éclairage : Hoffmeister, Sill et SRM. Cette nouvelle configugration projette l’entreprise dans une autre ère. Elle devrait permettre à Sammode, comme le clamait déjà en 1927 son premier catalogue, de continuer plus que jamais à garantir un « éclairage de qualité ».

Chef d’orchestre du lieu, Bruno Daval est le directeur de l’usine.
Chef d’orchestre du lieu, Bruno Daval est le directeur de l’usine. Nicolas Krief pour IDEAT