A la découverte du Bauhaus vivant : Un week-end dans les complexes d’habitations de Berlin

Cette année, le monde célèbre le centenaire de la naissance du Bauhaus, la plus grande école d’art, de design et d’architecture du XXe siècle. En Allemagne, le mouvement continue de vivre dans les colonies construites au siècle dernier. Visite guidée à travers le temps et l’histoire sur les pas des hommes et femmes qui ont modelé Berlin. 

Cent ans après sa fondation, l’héritage du Bauhaus est encore bien présent dans le Berlin de 2019. ​Dans les musées mais aussi au cœur de la ville. Il suffit de se perdre dans ses artères pour se retrouver nez-à-nez avec des bâtiments issus de ce courant. Il est facile de passer à côté pour qui n’est pas aguerri aux lignes du Bauhaus. Et pour cause, nous sommes bien loin du tape-à-l’œil… Au sortir de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne embrasse la République de Weimar. Les mots d’ordre sont alors économie et praticité. Les étudiants de l’école du Bauhaus les suivront à la lettre…

Hufeisensiedlung, la Colonie en fer à cheval (1925-30).
Hufeisensiedlung, la Colonie en fer à cheval (1925-30). Photo: © Tillmann Franzen

Face à l’importance de la demande de logements, les architectes s’affairent à créer un environnement idéalement pensé pour les travailleurs. L’idée est alors de leur fournir non pas une habitation mais un cadre de vie le plus fonctionnel possible. Le Bauhaus met l’architecture au service de l’urbanisme, il créé la ville dans la ville. Berlin offre une formidable opportunité de l’observer encore aujourd’hui. Nichées au cœur de la ville, plusieurs imposantes colonies Bauhaus classées au Patrimoine mondial de l’Unesco sont toujours debout. Fières et droites, audacieuses et vivantes.

Weiße Stadt de Martin Wagner, Otto Rudolf Salvisberg, Bruno Ahrends, Wilhelm Büning (1929-1931).
Weiße Stadt de Martin Wagner, Otto Rudolf Salvisberg, Bruno Ahrends, Wilhelm Büning (1929-1931). Photo: © Tillmann Franzen

Ces six curiosités architecturales méritent le détour et deux sont carrément immanquables : die Weiße Stadt, la ville blanche située au Nord-Ouest de Berlin (1928-1931) et die Hufeisensiedlung, la colonie en fer à cheval au Sud-Est (1925-1933). Elles sont le fruit du travail de nombreux architectes comme Otto Rudolf Salvisberg, Martin Wagner ou Bruno Taut. Plus qu’un banal ensemble d’immeubles, ces constructions sont aujourd’hui les témoins d’une puissante volonté de changement. Ces véritables laboratoires sociaux traduisaient un souhait de créer une toute nouvelle façon de vivre et de promouvoir un esprit communautaire, tout en offrant le luxe – rare pour l’époque – de posséder sa propre salle de bains, sa cuisine individuelle et son petit bout de jardin.

Horloge publique dans la Weiße Stadt.
Horloge publique dans la Weiße Stadt. Photo: © Tillmann Franzen

Conçues comme de véritables quartiers à échelle réduite, ces colonies possèdent bien sûr leurs commerces de proximité. Dans la Cité Blanche, on retrouve même un jardin d’enfant, un centre médical, une pharmacie et quelque 20 autres enseignes. Cette cité nouvelle était également dotée de son propre système de chauffage ce qui lui permettait d’être auto-suffisante. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, ce qui n’empêche pas les 3 200 appartements d’être toujours habités. Lors de votre visite berlinoise, n’hésitez pas à vous y perdre pour mieux apprécier leur modernité avant-gardiste. Dans la Colonie en fer à cheval, tout visiteur peut aujourd’hui se relaxer à l’ombre du café implanté dans un magasin d’époque fidèlement reconstitué. Un point d’information s’y trouve et saura renseigner tous les curieux sur chacune de ces cités nouvelles.

Hufeisensiedlung, une œuvre des architectes Bruno Taut et Martin Wagner.
Hufeisensiedlung, une œuvre des architectes Bruno Taut et Martin Wagner. Photo: © Tillmann Franzen

Le Corbusier avait les même rêves de rationalisation et de modernité que le Bauhaus. L’inventeur des « Unités d’habitation » a voulu doter Berlin de l’une de ses cinq cités-immeubles. Cette ville verticale située dans le nord-ouest de la capitale est animée par la même logique : en plus de ses 530 appartements, on y retrouve un petit commerce, un cinéma et un bureau de poste. Lui aussi classé au Patrimoine historique de l’Unesco, le bâtiment est pourtant la seule de ses « WohnMaschine » ou machine à habiter qui n’a pas été reconnu par l’immense architecte. Il faut dire que ses plans n’ont été que partiellement respectés : les maîtres d’ouvrage allemands ont supprimé  sa rue commerçante, l’ensemble des aménagements sur le toit et les emblématiques brises-soleil. Ses promoteurs favorisèrent également des logements pour célibataires alors que Le Corbusier désirait des « paradis pour famille ». Ultime affront, les constructeurs allemands iront jusqu’à peindre la façade de béton, le matériau de prédilection de l’architecte, qui aimait le conserver brut.

L’unité d’habitation berlinoise, reniée par Le Corbusier.
L’unité d’habitation berlinoise, reniée par Le Corbusier. Golliday / Wikimedia Commons

Néanmoins, cette unité d’habitation demeure une empreinte majeure assimilée au courant Bauhaus à Berlin. Des visites guidées sur réservation sont proposées par les habitants de l’immeuble. Une occasion unique d’approcher au plus près l’intimité des logements inspirés par cette école, qui continue de vivre dans les murs de la ville qui l’a vu naître.

> Weiße Stadt. Schillerring 15, 13407 Berlin.
> Hufeisensiedlung. Fritz-Reuter-Allee 44, 12359 Berlin. 
> CorbusierHaus. Flatowallee 16, 14055 Berlin (dans le quartier de Charlottenburg, près de la forêt de Grunewald). 

Détail de la Hufeisensiedlung (1925-30).
Détail de la Hufeisensiedlung (1925-30). Photo: © Tillmann Franzen