Portrait : Franco Albini (1905-1977), le moderne contemporain du design italien

Architecte, designer, scénographe, le néo-rationaliste Franco Albini (1905-1977) est une source intarissable de créations intemporelles. Son mobilier des années 1940 est tellement pas rétro que le grand éditeur Cassina l’a réédité pour le marier au lifestyle d’aujourd’hui. Quant à ses sièges en rotin, ils ont imposé dès les fifties les canons absolus de la modernité.

Franco Albini a 24 ans lorsque, diplôme du Politecnico de Milan en poche, il visite, scotché, le célèbre pavillon de Mies van der Rohe à Barcelone (1929). Il fraye ensuite à Paris avec les célèbres stagiaires, aussi bien slovènes que japonais, du Corbusier. Après avoir débuté chez Gio Ponti et Emilio Lancia, Albini s’installe très vite en solo pour bâtir dans le Milan de 1931 des logements sociaux. Le jeune homme devient aussi une des grandes signatures de Casabella, une revue phare de l’époque. Avant guerre, ses créations entre autres pour l’éditeur Cassina préfigurent sa conception stylistique rationaliste.

Franco Albini (1905-1977).
Franco Albini (1905-1977). DR
Avec le fauteuil « Tre Pezzi » (1959) conçu avec Franca Helg et réédité par Cassina depuis 2009, Albini casse l’image de la bergère classique. Repose-tête en demi-lune, anneau repose-dos et assise profonde : le confort se fait ultra-graphique.
Avec le fauteuil « Tre Pezzi » (1959) conçu avec Franca Helg et réédité par Cassina depuis 2009, Albini casse l’image de la bergère classique. Repose-tête en demi-lune, anneau repose-dos et assise profonde : le confort se fait ultra-graphique. Cassina

Après guerre, Albini posera les bases de la modernité entre intérieur et extérieur, en collaboration avec Franca Helg. Il n’hésitera pas à utiliser la technique traditionnelle du rotin pour réaliser un siège « contemporain ». Aujourd’hui, ses fauteuils fifties, Margherita et Gala notamment, sont considérés comme des icônes absolues.

Le fauteuil « Gala » (1951) est une surprise dans le design des fifties. Albini s’appuie sur le savoir-faire traditionnel du rotin pour dessiner un siège ultramoderne. Avec le « Margherita » conçu l’année précédente, Albini a créé pour Vittorio Bonacina, bien avant le film « Emmanuelle », deux icônes du siège intérieur ET extérieur.
Le fauteuil « Gala » (1951) est une surprise dans le design des fifties. Albini s’appuie sur le savoir-faire traditionnel du rotin pour dessiner un siège ultramoderne. Avec le « Margherita » conçu l’année précédente, Albini a créé pour Vittorio Bonacina, bien avant le film « Emmanuelle », deux icônes du siège intérieur ET extérieur. VitrA
Le fauteuil « CA 832 » (1946) ne fait pas du tout rétro malgré son dossier matelassé. Il pourrait en fait dater de n’importe quelle décennie d’après-guerre. Un modèle qui n’a pas encore été réédité…
Le fauteuil « CA 832 » (1946) ne fait pas du tout rétro malgré son dossier matelassé. Il pourrait en fait dater de n’importe quelle décennie d’après-guerre. Un modèle qui n’a pas encore été réédité… Wright Auction House

Pétri de rationalisme, Albini est aussi un novateur fou de matériaux. Dès 1939, sa première radio en verre, qui laisse voir ses composants, est encore trop moderne pour trouver un éditeur. Mais Albini connaîtra plus tard des industriels italiens qui soutiendront ses audaces, de Cassina à Poggi, en passant par Vittorio Bonacina et Arflex. Son fauteuil Luisa lui vaut un Compasso d’Oro en 1955.

Le fauteuil « 832 Luisa » (1949-1955) a été dessiné au rabot. Le rembourrage de polyuréthane expansé apporte du volume mais on reste quand même dans l’élégante rigueur, typique de Franco Albini.
Le fauteuil « 832 Luisa » (1949-1955) a été dessiné au rabot. Le rembourrage de polyuréthane expansé apporte du volume mais on reste quand même dans l’élégante rigueur, typique de Franco Albini. arflex
La structure des pieds et du dossier en sapin massif du fauteuil « Fiorenza » (Arflex) se courbe pour une allure assouplie. Différentes densités de mousse et des suspensions élastiques lui permettent d’offrir un confort soigneusement réparti.
La structure des pieds et du dossier en sapin massif du fauteuil « Fiorenza » (Arflex) se courbe pour une allure assouplie. Différentes densités de mousse et des suspensions élastiques lui permettent d’offrir un confort soigneusement réparti. arflex

Sa bibliothèque Infinito, conçue en 1957 chez Poggi, est aujourd’hui éditée par Cassina, pour lequel il apparaît comme le maître incarné du design italien. Il est vrai que son autre bibliothèque Veliero, rééditée depuis 2011 par Cassina, est une création unique. Elle a l’élégance et la légèreté d’un voilier, dont elle tire la logique structurelle.

Bibliothèque « Infinito », conçue en 1957 chez Poggi.
Bibliothèque « Infinito », conçue en 1957 chez Poggi. Cassina
La bibliothèque « Veliero » (1940), ressortie des archives en 2011 par Cassina, est une prouesse architectonique ! Ses montants et ses tirants verticaux rappellent les lignes d’un voilier (d’où son nom).
La bibliothèque « Veliero » (1940), ressortie des archives en 2011 par Cassina, est une prouesse architectonique ! Ses montants et ses tirants verticaux rappellent les lignes d’un voilier (d’où son nom). Cassina

Albini, toujours de son temps, a aussi bien créé une télévision pour Brionvega que des lampes pour Arteluce. À Milan, il a signé des sublimes stations de métro. Mais son tour de force d’architecte, c’est à Gênes qu’il l’a accompli, avec la restauration de la galerie de peintures du Palazzo Bianco. Entre rigueur et créativité, il a su insuffler de l’émotion à l’espace tout autant qu’aux lignes de son mobilier.

Fauteuils « Tre Pezzi » (1959), aux cotés de la petite table « Cicogna » (1953) également éditée par Cassina
Fauteuils « Tre Pezzi » (1959), aux cotés de la petite table « Cicogna » (1953) également éditée par Cassina Cassina

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