Icône : La lampe Tahiti d’Ettore Sottsass (1981)

Avec sa tête de canard et son ramage façon cocktail de couleurs, la lampe Tahiti du grand Ettore Sottsass (1917-2007) est devenue l’une des icônes du groupe Memphis. IDEAT vous emmène dans la Polynésie du design !

Qui croirait que cette lampe, comme sortie d’un vidéo-clip des années 1980, puisse être l’œuvre d’un designer né en 1917 ? En 1981, quand sort la Tahiti, cela fait trente-quatre ans qu’Ettore Sottsass a ouvert son studio comme architecte mais des lustres qu’il additionne les vies. Cela commence dès son enfance en Autriche, le pays de sa mère. Comme son auteur, la lampe Tahiti est un composite d’influences, de styles et de matériaux. On dirait bien un canard en plastique laminé, matériau jusque-là cheap, mais marié à du métal émaillé polychrome.

Le designer et architecte italien Ettore Sottsass avec son vase « Shiva » : de l’insolence avec de la substance, et inversement !
Le designer et architecte italien Ettore Sottsass avec son vase « Shiva » : de l’insolence avec de la substance, et inversement ! DR

Pivotante, la tête du bestiau mélange hardiment les couleurs façon sari indien : du rose dragée pour la tête et du rouge écarlate pour le bec. Quant au socle en stratifié, il est imprimé de micro-organismes vibrionnants. On retrouve cette esthétique dans les œuvres du couple formé par l’architecte-designer George Sowden et la peintre Nathalie Du Pasquier. Tous deux ont fait partie du groupe Memphis fondé par Sottsass en 1980 et financé par Ernesto Gismondi, le président d’Artemide. Le nom Memphis évoque à la fois la chanson de Bob Dylan Inside of Mobile with the Memphis blues again, l’Egypte ancienne et la ville des derniers jours d’Elvis Presley.

Lampe de table « Tahiti », en laminé plastique et métal laqué, design Ettore Sottsass (1981, Memphis Milano).
Lampe de table « Tahiti », en laminé plastique et métal laqué, design Ettore Sottsass (1981, Memphis Milano). Lucien Schweitzer Galerie et Editions

La lampe Tahiti exprime aussi, comme nous l’ont récemment expliqué Sowden et Du Pasquier, non pas le refus du rationalisme, mais celui de la dictature qu’il engendrait. Il s’agissait d’aller plus loin plutôt que de rejeter. Dans cette optique, Tahiti constitue une proposition pour concevoir un nouveau paysage domestique. En 1981, Sottsass a déjà beaucoup voyagé. Sa première fois à New York en 1956 comme créateur de céramiques l’a amené à collaborer avec l’immense George Nelson.

La lampe « Tahiti » est surmontée d’une tête pivotante.
La lampe « Tahiti » est surmontée d’une tête pivotante. Lucien Schweitzer Galerie et Editions

Sottsass découvre ensuite l’Inde en 1961. Les chocs de couleurs y sont en libre-service et le pays influence jusqu’à sa conception de l’existence. Autre influence majeure, celle du Pop art. Si bien qu’en 1981, quand Sottsass crée la lampe Tahiti, elle est riche de tout cela. L’univers visuel du groupe Memphis s’est aussi nourri de ce qu’ont apporté Aldo Cibic et Martine Bedin autour d’un mentor également ex-élève du pionnier de l’architecture moderne, Otto Wagner. Au final, les créations de Memphis ne manifestent contre rien. Tahiti est devenue une icône alors qu’elle ne revendiquait que la liberté de création. Contemporain de la révolution russe, Sottsass est un pionnier de la transversalité, aux confins du design, de l’architecture et de l’art… Et tout ça à travers une simple petite lampe de table !

Croquis d’Ettore Sottsass pour la lampe « Tahiti ».
Croquis d’Ettore Sottsass pour la lampe « Tahiti ». studio ettore sottsass

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