Expo : Quand les bâtisseurs se font designers

De la petite cuillère au lustre, les architectes dessinent très souvent des objets et des meubles qui viennent parachever leurs projets immobiliers. La Cité de l’architecture et du patrimoine en présente un florilège, des années 60 à aujourd’hui, dans une exposition qui rayonne dans toutes les salles du musée.

Des trésors cachés d’architectes mis au jour

L’exposition distingue également les professionnels, ceux qui ont fait l’essentiel de leur carrière dans le design, des occasionnels, comme Rudy Ricciotti, auteur de la lampe radicale intitulée « Mais plus que cela je ne peux pas » (Nemo). Quant aux architectes fabricants, tels George Nakashima ou ceux de Studio Mumbai, ils ont confectionné eux-mêmes tout ce qu’ils ont dessiné, révélant ainsi leur sensibilité vis-à-vis des questions écologiques. Dans le même esprit, les engagés, comme Alessandro Mendini, ont défendu une pensée théorique sur l’architecture.

L’exposition donne également l’occasion de (re)découvrir les sublimes collections permanentes de la Cité de l’architecture.
L’exposition donne également l’occasion de (re)découvrir les sublimes collections permanentes de la Cité de l’architecture. Jean-Christophe Camuset

Autre gros morceau : les architectes devenus éditeurs. Lionel Blaisse évoque l’exemple de Carlotta de Bevilacqua, qui a commencé par développer des projets de luminaires pour le fabricant Artemide avant d’en devenir la directrice artistique : « Aujourd’hui, elle collabore avec des architectes qui étudient, conjointement avec le fabricant, des façons d’intégrer la lumière dans leurs projets. Ils apprécient les recherches menées par Artemide autour des technologies et des effets de la lumière sur l’être humain. » Si l’exposition est l’occasion d’observer de près certaines œuvres très célèbres, les commissaires dévoilent également des trésors cachés qu’ils ont eux-mêmes dénichés, comme un fauteuil organique en bois et cuir de Dominique Zimbacca.

L’effacement des frontières entre les disciplines

Outre l’accent mis sur le Brésil et le Japon (notamment avec la fantomatique maison de thé Fu-an, de Kengo Kuma), ce qui frappe dans le choix des architectes mis en avant, c’est le nombre d’Italiens. « Nous avons beaucoup insisté sur ce pays, qui a connu de nombreuses fractures et agitations sociales et intellectuelles des années 60 aux années 80. Cette histoire tumultueuse a conduit au mouvement radical, qui a produit une immense variété d’œuvres », note Lionel Blaisse. « Des gens comme l’Américain Michael Graves nous intéressent aussi énormément, car ils illustrent la capacité d’un architecte à évoluer dans le temps, à passer du modernisme au post-modernisme. À l’instar de Zaha Hadid ou de Jean Nouvel, il a développé un département de design au sein de son agence », ajoutent les commissaires.

Fauteuil Culbuto, de Marc Held (1967, Knoll).
Fauteuil Culbuto, de Marc Held (1967, Knoll). Knoll International

Ainsi, parmi les pépites, on peut citer un lustre monumental dessiné par l’architecte français pour le Louvre Abu Dhabi et fabriqué par le Mobilier national, dont le rendu des ampoules est proche de celui de bougies et qui est exposé, en majesté, dans le hall d’entrée de la Cité. Jean Nouvel, qui ne conçoit pas de distinction entre le design et l’architecture, est à l’image de cette exposition, qui estompe avec talent les frontières entre les deux disciplines.

> « Le mobilier d’architectes, 1960-2020 ». À la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, jusqu’au 30 septembre.