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Interview : Check-in en douceur avec Thierry Teyssier

Totalement à rebours d’une offre ultra luxe que les voyagistes s’efforcent de multiplier, l’ex-metteur en scène de théâtre repart de zéro tous les six mois. Son concept d’itinéraires culturels hors norme, 700 000 heures – soit le temps moyen passé par un humain sur Terre –, vient de poser sa centaine de malles dans le parc naturel des Lençóis, au Brésil. Cette offre d’expériences aussi rares qu’inoubliables adossée à une hôtellerie éphémère, épicurienne, personnalisée à l’extrême, se déploie ainsi entre dunes et lagunes à perte de vue.

 

IDEAT : Le voyage qui a changé votre vie ?
Thierry Teyssier : Mon deuxième voyage au Japon a été une révélation : c’est là que j’ai compris comment je devais conduire ma vie. Mon premier voyage à Bali m’a ouvert les yeux sur l’hôtellerie de luxe. Mon premier voyage au Brésil, quant à lui, m’a montré ce que ne devait plus être l’hôtellerie.

Scénariste d’expériences extraordinaires à travers le monde, Thierry Teyssier est le maître de cérémonie de ce concept d’« hôtel nomade qui voyage avec ses clients » : 700 000 heures. Il lui arrive souvent de préparer le petit déjeuner lors de certaines escales, comme aux Lençóis Maranhenses.
Scénariste d’expériences extraordinaires à travers le monde, Thierry Teyssier est le maître de cérémonie de ce concept d’« hôtel nomade qui voyage avec ses clients » : 700 000 heures. Il lui arrive souvent de préparer le petit déjeuner lors de certaines escales, comme aux Lençóis Maranhenses. Eric Martin

Votre mode de transport préféré ?
La voiture, pour pouvoir m’arrêter ou prendre des chemins de traverse quand je veux. J’aime conduire, cela me permet de réfléchir au calme. Exactement comme quand je cuisine.

L’aéroport que vous préférez ? Et celui que vous évitez ?
Le terminal de British Airways à London Heathrow compte à mes yeux parmi les plus réussis que je connaisse. Je suis toujours heureux de m’y retrouver. Si je le pouvais, j’éviterais Roissy mais, malheureusement, difficile d’y échapper quand on habite Paris. Personnel peu aimable, délais de livraison de bagages ahurissants… l’accueil n’est vraiment pas à la hauteur de notre pays.

Dans votre valise, vous emportez toujours… ?
Une plaque de chocolat et des gâteaux secs. À chaque fois, je me dis qu’il faut que je prévoie et que j’achète tout dans une belle pâtisserie parisienne, et à chaque fois, j’oublie. Cela se termine par des achats industriels sous douane.

Une astuce pour combattre le jet lag ?
L’eau de distillation de l’huile essentielle de gingembre. À boire diluée à 20 %. Incroyable d’efficacité. Et drôlement bon !

De nos jours, le problème du voyage, c’est quoi ?
Son bilan carbone. Il est important de prendre conscience des conséquences de nos actes.

Une personnalité qui vous inspire ?
Fany Pechiodat, fondatrice de My Little Paris, fait partie des personnes les plus inspirantes que j’ai eu la chance de rencontrer. À chacun de nos échanges, elle m’a insufflé une énergie rare et ouvert les yeux sur de multiples facettes des sujets abordés ensemble.

Les valeurs que vous souhaitez partager?
L’enthousiasme pour la vie ; la gratitude pour tout ce que nous recevons ; le partage et non la possession.

L’endroit dont vous ne vous lasserez jamais ?
La palmeraie de Skoura, au Maroc, où j’ai créé mon premier hôtel, Dar Ahlam.

Un itinéraire, une route à emprunter absolument?
La « Route du sud », qui part de Marrakech, descend entre Agadir et ­Taroudant, puis Tiznit, la route côtière jusqu’à Guelmim pour remonter le long de la frontière des grandes palmeraies du Sud. J’ai créé cette route il y a quatre ans en aménageant différentes maisons comme autant de haltes enchantées.

La ville, le pays ou la culture que vous rêvez de découvrir ?
Java, Sumatra… Une partie de mes racines s’y trouvent et j’aimerais un jour les découvrir.

La ville la plus excitante du moment ?
Tel-Aviv, sans aucun doute. Il y règne une énergie à nulle autre pareille. Pour me retrouver en paix, je choisirais Kyoto. Cette ville m’apaise, je m’y sens en harmonie.

Vous est-il facile de déconnecter ?
Oui et non. En fait, je ne suis jamais vraiment déconnecté… et je le suis tous les jours ! J’ai appris à me réserver des moments de vie quelles que soient mes journées et il m’est très facile de travailler durant mes vacances ou de me reposer quand je travaille. Je ne sépare plus mes heures de vie de façon si nette et je réserve des temps pour chaque chose, chaque jour.

Les meilleures vacances ?
En famille, avec mes enfants au Cap-Ferret. Je me lève tôt, me baigne devant la maison, file au marché avant la cohue et cuisine pour ma tribu. Ensuite, bateau, coucher de soleil face à l’Océan et fête avec mes amis d’enfance que je retrouve chaque été.

Vos prochaines (vraies) vacances ?
Après l’épisode brésilien dans le parc national brésilien Lençóis Maranhenses, je pars début novembre en Guyane avec un ami qui m’emmène dormir dans la forêt amazonienne.

L’hôtel que vous rêvez d’ouvrir ?
Mon prochain projet va être de créer une collection de maisons autour du monde en collaboration avec des populations locales pour les aider à développer un tourisme responsable et lutter ainsi contre les méfaits de notre industrie.

La prochaine destination de 700 000 heures ?
Le Japon, à partir d’avril. Une maison de pêcheur dans le village d’Iné, près d’Amanohashidate (« le pont dans le ciel », NDLR) dans les environs de Kyoto, et le temple Samboin, à Koyasan, au sud-est d’Osaka. Deux expériences merveilleuses et hors du temps où, pour la première fois, nous allons adapter la culture japonaise aux envies de nos membres.

Votre record de miles ?
Je ne me sers pas de ce genre de réduction. J’aime garder la liberté de choisir une compagnie pour sa qualité de service et non parce qu’elle me coûte moins cher grâce à mes miles.

La première chose que vous notez dans un hôtel ?
L’incroyable lenteur du check-in ! Dans la grande majorité des hôtels aujourd’hui, la première chose que l’on fait pour vous remercier d’avoir choisi un hôtel parmi tant d’autres et d’avoir, dans la plupart des cas, payé en avance… c’est de vous demander votre carte bleue, au cas où vous partiriez sans payer une bouteille d’eau du minibar. Personnellement, je remarque immédiatement un accueil différent, centré sur le client et non sur l’organisation interne de l’hôtel.

Une anecdote extraordinaire dans un hôtel ?
Un 31 décembre, il y a fort longtemps. À peine entré dans la vie active, je n’avais pas beaucoup d’argent. Pour le réveillon, je place toutes mes économies pour nous offrir, à ma compagne, qui deviendra la mère de mes trois enfants, et à moi, une nuit au Ritz ! Ayant tout dépensé, j’apporte en cachette une bouteille de champagne pour ne pas avoir à payer celle du room-service. Un peu honteux, je vide le minibar pour placer ma bouteille à rafraîchir. En début de soirée, quelqu’un frappe à la porte. Le service d’étage nous apporte une bouteille de champagne pour nous souhaiter une très belle année ! Belle élégance !

Outre le français, quelles langues parlez-vous ?
L’anglais, avec un véritable accent français ! Et, actuellement, j’apprends le japonais pour préparer l’ouverture de 700 000 heures l’an prochain près de Kyoto.

La première précaution à prendre en voyage ?
Laisser du temps au temps et la part belle à l’improvisation, de laquelle naissent les rencontres et les belles surprises. Un emploi du temps trop chargé ou un agenda trop rempli, et adieu la découverte ! Et puis, je fais toujours attention à l’eau que je bois.

Quelle est l’appli qui vous sert le plus en voyage ?
Spotify pour poser de la musique sur tous ces beaux moments. Les applis pour découvrir les étoiles autour de la Terre. Un sudoku pour passer le temps quand il est interdit d’utiliser son ordinateur dans l’avion.

Un livre qui vous a transporté ?
L’Équilibre du monde, de Rohinton Mistry, extraordinaire saga indienne et véritable leçon de vie.

L’Équilibre du monde, de Rohinton Mistry
L’Équilibre du monde, de Rohinton Mistry DR