Photo et design : Morgane Le Gall & Normal Studio

Les amateurs de design voient régulièrement les photos de Morgane Le Gall au service d’un produit, d’un designer, d’un éditeur ou d’une galerie. Ce qui ne l’empêche pas de créer ses propres scénarii en toute liberté.

Comment en êtes-vous venue à photographier le design ?
Morgan Le Gall : Mes parents sont antiquaires. J’ai donc toujours eu sous les yeux des objets qui racontaient des histoires. Ma rencontre avec Ronan Bouroullec, au lycée à Quimper, a été capitale. Nous avons étudié dans les mêmes écoles à Paris. Lui, le design et moi, la photo. C’est à cette époque que je me suis penchée sur la notion de création. Mes premiers clichés cherchaient à restituer cette démarche avec la plus grande justesse possible. Je les considérais presque comme la finalité du processus de fabrication.

Photo extraite de la brochure Sammode Studio, qui présente des rééditions de luminaires signés Pierre Guariche ; ici les appliques G3 au côté d’un fauteuil Utrecht de Gerrit Rietveld (Cassina).
Photo extraite de la brochure Sammode Studio, qui présente des rééditions de luminaires signés Pierre Guariche ; ici les appliques G3 au côté d’un fauteuil Utrecht de Gerrit Rietveld (Cassina). DR

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans cette pratique de la photo appliquée au design ?
La plus grande partie de mon travail est destinée à des catalogues de marques. Découvrir les premiers modèles est une joie, et ma place prend dès lors tout son sens, entre l’éditeur, ses équipes et le public. Plus que la nécessité d’afficher un style, je m’efforce de concevoir des images « durables » dont le sujet reste central. Ce qui m’intéresse, c’est de retranscrire la spécificité d’un objet ou la beauté d’un lieu. Je les aborde comme pour un portrait. Par différents cadrages, je construis une histoire muette.

Chaque année, Jean-Marc Drut, propriétaire de l’appartement n° 50 de la Cité radieuse, à Marseille, invite un designer à repenser l’appartement. En 2018, le duo de créateurs Jean-François Dingjan et Eloi Chafaï de Normal Studio l’a meublé de pièces de design qu’ils ont conçues. Et Morgan Le Gall a immortalisé cette scénographie…
Chaque année, Jean-Marc Drut, propriétaire de l’appartement n° 50 de la Cité radieuse, à Marseille, invite un designer à repenser l’appartement. En 2018, le duo de créateurs Jean-François Dingjan et Eloi Chafaï de Normal Studio l’a meublé de pièces de design qu’ils ont conçues. Et Morgan Le Gall a immortalisé cette scénographie… © MORGANE LE GALL

Comment photographiez-vous un objet dont vous ne connaissez rien d’autre que l’aspect ?
J’ai réalisé de nombreux photo-montages pour la presse spécialisée. Dans ces images j’accumulais parfois des chaussures, des flacons, des bijoux, des fauteuils, des lampes… avec une totale liberté de composition. De ces objets, je ne connaissais que l’enveloppe extérieure, il s’agissait alors d’un exercice d’assemblage graphique et « pop », très plaisant. Il y a cinq ans, Normal Studio, le duo nommé à la direction artistique de l’entreprise de luminaires Sammode, m’a confié les photos du premier catalogue « Sammode Studio ». Au fil du temps, je me suis familiarisée avec cette entreprise et les caractéristiques de ses produits.

Photo extraite de la brochure Sammode Studio.
Photo extraite de la brochure Sammode Studio. Morgane Le Gall

Les designers, aujourd’hui plus médiatisés, vous semblent-ils soucieux de leur image ?
Comme dans beaucoup d’autres secteurs d’activités, les industries du design et de la décoration ont façonné leur « star system ». Les créateurs se « montrent », car le succès d’un projet est en partie lié à cette présence. Si un article permet de faire découvrir un projet, une entreprise, un ­savoir-faire, cela a du sens pour moi.