Chrysler Building : l'icône de la skyline new-yorkaise fête son 90e anniversaire

L’une des plus belles verticales de Manhattan célèbre ses 90 ans cette année. L’occasion de brosser le portrait de ce petit bijou, dont le nombre d’étages n’épate plus, mais dont la silhouette fascine toujours autant, et se fait l’écho d’une des périodes les plus excitantes de l’histoire de l'architecture.

Direction le New York des années 1920. L’après-Première Guerre mondiale est le temps de l’enthousiasme des vainqueurs, porté par la santé insolente de l’économie américaine. Ce sont les fameuses Années folles, les « Roaring Twenties ». Les Etats-Unis sont désormais la première puissance mondiale et le théâtre de toutes les grandes innovations, comme la voiture, l’aviation, la chimie, le téléphone, etc. Des innovations portées par des fortunes florissantes et des empires, à l’image de celui de Walter P. Chrysler, fondateur de l’entreprise automobile du même nom. Une puissance qu’il choisit de concrétiser avec la construction d’un building dans Manhattan, à la hauteur de sa carrière, qui devra être le plus haut de New York, et accessoirement battre le record de la tour Eiffel (324 mètres).

Emergent au-dessus du smog, le Chrysler building a dominé la skyline new-yorkaise entre 1930 et 1931.
Emergent au-dessus du smog, le Chrysler building a dominé la skyline new-yorkaise entre 1930 et 1931. creative commonce

Éphémère toit de New York

Il trouve son architecte en la personne de William Van Alen (1883-1954), qui lui livre alors un monument à la hauteur de ses attentes : du haut de ses 77 étages, il dépasse les 300 mètres de hauteur et s’achève en pointe pyramidale. La raison de cette fantaisie ? Le plan d’urbanisme, qui imposait alors depuis 1916, le retrait des étages supérieurs, pour permettre à la lumière du soleil d’atteindre les rues. Cette règle a engendré « des constructions en forme d’aiguilles ou de gâteaux de mariage », racontait Pauline Peretz, historienne des Etats-Unis au XXe siècle, à nos confrères de Libération en 2011. Le Chrysler Building se coiffe alors d’arcs-de-cercle superposés les uns aux autres et qui se rétrécissent au fur et à mesure de leur ascension.

Le sommet en pointe du Chrysler Building façon gâteau meringué.
Le sommet en pointe du Chrysler Building façon gâteau meringué. creative commons

Une pyramide qui crée l’illusion d’un bâtiment plus grand qu’il ne l’est, habillée de petits triangles, qui évoqueraient une couronne, un soleil ou pour certains des roues de voiture. Car le Chrysler Building incarne bel et bien le règne de la machine, et surtout celui de l’automobile. En plus d’une frise d’enjoliveurs, on y trouve des coins ornés de bouchons de radiateur en forme d’aigle, la flèche se drape, elle, d’un parement en acier inoxydable qui n’est pas sans rappeler le chrome des premiers bolides.

Les gargouilles « aigles » du building en acier chromé rappellent l’empire automobile abrité sous cette architecture remarquable.
Les gargouilles « aigles » du building en acier chromé rappellent l’empire automobile abrité sous cette architecture remarquable. creative commons

L’Art déco parisien, un modèle absolu pour le Chrysler Building

« La voiture, c’est vraiment le symbole de l’Art déco. Elle exprime la vitalité de l’époque comme l’avion », raconte Emmanuel Bréon, conservateur à Cité de l’architecture & du patrimoine et spécialiste de l’Art Déco. C’est de l’autre côté de l’Atlantique que les Américains viennent cueillir ce mouvement, lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925 à Paris, pour l’installer durablement aux Etats-Unis. Van Alen, lui, s’est imprégné de l’air hexagonal avant même la Première Guerre mondiale. « C’est un petit gars des Beaux Arts, il a comme professeur Victor Laloux, l’architecte de la gare d’Orsay, comme la plupart des architectes américains venus étudier à Paris… » C’est ce même Laloux qui a formé toute la génération d’architectes à qui l’on doit « ces gratte-ciel Art déco de New York et de Chicago érigés au début de années 1920 », précise Emmanuel Bréon.

La porte d’un ascenseur en marqueterie résolument Art déco à la française.
La porte d’un ascenseur en marqueterie résolument Art déco à la française. creative commons

Un peu parisien notre Chrysler Building ? Une chose est sûre, la bâtisse est aussi un peu égyptienne, de par les somptueuses fleurs de lotus, qui viennent orner les portes de ses ascenseurs. Il faut dire que l’Egypte ancienne est une véritable composante de l’Art Déco, suggérée par la découverte en 1922, de la tombe du pharaon Toutankhamon et de ses trésors. Une inspiration à la hauteur de la tour, dont le record vertical fut relativement bref.

Le style emprunte aussi à l’Egypte antique, très en vogue dans les années 20.
Le style emprunte aussi à l’Egypte antique, très en vogue dans les années 20. creative commons

Moins d’un an après son inauguration, le Chrysler Building se fait coiffer par l’Empire State Building, de 62 mètres plus haut, immortalisé par le film cultissime « King Kong ». Mais la tour Chrysler n’a pas à rougir de ses 77 étages, qui s’inviteront aussi sur petits et grands écrans, comme dans « Sex and the City », « Men In Black », et se verront réduits en miettes dans « Armageddon » ou encore dans « Godzilla ».

Vue aérienne du Chrysler Building.
Vue aérienne du Chrysler Building. creative commons

Plus récemment, ce « petit bijou » comme l’appelle Emmanuel Bréon, s’est aussi offert une apparition au sein du défilé Croisière 2020 de Louis Vuitton, à travers une minaudière, reprenant le chapeau de l’une des plus coquettes tours de Manhattan…