Architecture : Des écrivains explorent le Grand-Paris en images

A l'heure où le Grand-Paris devient une réalité, le Pavillon de l'Arsenal propose d’observer la métropole sous un angle poétique. IDEAT a rencontré Stefan Cornic, auteur-réalisateur passionné de photographie, d’architecture et de cinéma, qui est à l’initiative de la collection de courts-métrages « Le Grand Paris des écrivains » signés Maylis de Kerangal, Aurélien Bellanger… tous consultables en ligne.

Comment s’est construit ce projet qui fusionne cinéma et littérature ?
Stefan Cornic : Depuis plus de dix ans, j’arpente et photographie Paris et sa banlieue. Je cherchais à parler de l’architecture, des terrains vagues et des changements qui matérialisent le Grand-Paris, un concept qui est devenu de plus en plus tangible ces dernières années. L’idée m’est alors venue de laisser la parole à différents écrivains afin de se projeter dans ces espaces en évolution constante. J’ai moi-même été inspiré par les symphonies urbaines des années 20-30 ainsi que par les cinéastes des années 70, Chantal Akerman et Marguerite Duras.

Des rencontres primordiales

Comment a débuté la collaboration avec le Pavillon de l’Arsenal ?
En 2018, j’ai contacté Stéphane Demoustier et Benoit Martin d’Année Zéro, une boîte de production de courts-métrages de fiction et de films sur l’architecture. Ce qui ressort de leurs réalisations c’est leur fort ancrage dans le territoire. Pays de France, de l’écrivain Aurélien Bellanger, a été le premier film que nous avons produit avec Année Zéro. Nous l’avons ensuite présenté au Pavillon de l’Arsenal et c’est ainsi que s’est lancée la collection sur le Grand-Paris.

De quelle manière s’est effectuée la sélection et la rencontre avec les écrivains ?
Depuis un moment, je dresse une liste d’écrivains qui me touchent par leur écriture et l’imaginaire qu’ils projettent à travers leurs descriptions de l’espace. Pour cette première saison de courts-métrages, j’ai cherché à atteindre un équilibre entre les générations et la parité homme-femme. Pour être honnête, je me suis un peu battu afin d’avoir la chance de travailler avec ces auteurs dont la sensibilité rejoint la mienne. J’ai gardé quelques contacts de mon expérience de journaliste, et on peut parfois compter sur le bouche-à-oreille.

Le Grand-Paris, de la plume à la caméra

Le sujet était-il libre ou avez-vous guidé les écrivains vers des lieux qui interpellent votre sensibilité ?
Chacun a choisi son sujet. Il m’arrive de suggérer la forme littéraire et je les incite notamment à aller vers la fiction. Lorsque le texte se détache de ce que l’on voit à l’image, chacun à la possibilité de se laisser guider par sa propre imagination, tout en regardant la balade poétique. Un écrit trop descriptif ne permet pas de se perdre dans une rêverie. Ce sont des poètes qui parlent, un architecte décrirait le lieu ou le bâtiment de façon trop analytique et frontale. L’objectif est vraiment de permettre au grand public de se raconter sa propre histoire et de se retrouver en ce lieu. L’idée était donc de ralentir le temps, de se projeter dans des espaces par le biais d’une promenade qui pousse à la réflexion voire au recueillement et à l’introspection.

Comment se déroule le processus de création ?
Les écrivains que j’ai choisis avaient souvent déjà choisi des lieux précis du Grand-Paris. Ils ont écrit à partir de leur propre expérience. Je me suis ensuite rendu sur place pour filmer en me laissant porter par leur récit. Je me raccroche à des mots-clés et à des images qui sortent de mon imaginaire pour ne pas toujours coller à leurs propos. Il faut éviter les éléments perturbateurs dans le cadre, et comme tout est capté sur le vif, c’est un équilibre à trouver au montage pour pouvoir se concentrer sur le récit. Je filme tout avec ma caméra et je me déplace toujours à vélo. Cela me permet de rencontrer beaucoup de gens. Certains m’ouvrent généreusement leur porte pour que je puisse explorer différents angles et points de vue sur la ville. C’est l’envers du décor…

Pourquoi avoir choisi une durée entre 3 et 6 minutes ?
Je travaille notamment pour Arte et je connais la réalité de la production et de la visibilité sur Internet. Je souhaitais que se soit court mais pas formaté. J’ai défini un cadre strict de 3 500 signes maximum mais cette contrainte laisse la possibilité d’exprimer une multitude de formes littéraires et de promenades urbaines.

Envisagez-vous une exploration différente pour la saison 2 ?
Il y a tellement de lieux, bâtiments et trajets que nous n’avons pas encore explorés… J’incite les écrivains que je contacte pour la saison 2 à sortir de Paris, à s’éloigner de la petite couronne. Cette exploration s’effectue par étapes afin d’explorer l’articulation entre Paris et sa proche banlieue. Il est intéressant de voir comment cette liaison se lisse avec le temps. Parfois, le hasard fait que je rencontre des écrivains souhaitant travailler sur des lieux que j’avais envie de filmer. Pour cette nouvelle saison, je souhaite poursuivre dans la même veine et que de nouveaux écrivains nous fassent découvrir d’autres facettes de la ville.

> Les courts-métrages sur le Grand-Paris sont publiés tous les samedis sur le site du Pavillon de l’Arsenal.

Maylis de Kerangal / Dans la ville écluse: Samedi 3 octobre
Aurélien Bellanger / Pays de France: Samedi 10 octobre
Alice Zeniter / Fontenay-aux-Roses: Samedi 17 octobre
Thomas Clerc / Coin Russe: Samedi 24 octobre
Joy Sorman / Une île dans la tête: Samedi 31 octobre
Julia Deck / L’ennemi végétal: Samedi 7 novembre
Nina Léger / Seul événement sur la ligne d’horizon: Samedi 14 novembre
Pierre Assouline / La Défense: Samedi 21 novembre
Régine Robin / Je me souviens d’un coin perdu: Samedi 28 novembre
Simon Johannin / Cité Gagarine: Samedi 5 décembre