Enzo Mari : Une expo pour rendre hommage au plus révolutionnaire des designers

Le génie d'Enzo Mari devait initialement être célébré de son vivant. Las, la retrospective que la Triennale de Milan consacre à l’iconoclaste designer devra se passer de ce misanthrope disparu à la veille du vernissage. Raison de plus pour découvrir son parcours !

Voilà l’occasion unique de découvrir le travail d’Enzo Mari. En 2017, le déjà octogénaire faisait don de ses archives au CASVA, le centre d’études supérieures milanais voué aux arts visuels, lui faisant promettre de ne les ouvrir que quarante ans après sa disparition… Avant cette mise en quarantaine, la rétrospective orchestrée à la Triennale par le très renommé commissaire Hans Ulrich Obrist donne donc à découvrir l’œuvre de cet artiste, designer et théoricien qui, depuis ses débuts, a toujours évolué en dehors des chapelles.

La pensée économe d’Enzo Mari

Une pensée économe qui déroule ses atours tout au long de l’exposition, de la série « Putrella » – des centres de table en acier pour Danese – jusqu’au travail sur la porcelaine en passant par les ensembles modulaires en carton, des systèmes de mobilier qui jettent un regard précurseur sur ce matériau durable. Projets, maquettes, mais aussi dessins et gravures jalonnent un accrochage qui s’arrête particulièrement sur Autoprogettazione, un ouvrage en forme de manifeste, véritable ancêtre du DIY (do it yourself, « fais-le toi-même »). On y retrouve les instructions et quelques exemples de cette collection de meubles en bois dont Enzo Mari a dessiné les plans en 1973, invitant chacun à s’emparer d’une scie et d’un marteau pour réaliser du mobilier dans un esprit de vertueuse décroissance.

L’auto-conception selon Enzo Mari, Proposta Autoprogettazione, 1973.
L’auto-conception selon Enzo Mari, Proposta Autoprogettazione, 1973. DR

Une résonance par le mode d’emploi

Hans Ulrich Obrist doit y entendre une résonance particulière, lui qui, depuis 1993, rassemble sous la bannière « Do It » un certain nombre d’artistes encouragés à créer des œuvres décrites par un mode d’emploi et que chacun peut s’amuser à reproduire. Mais la section la plus émouvante de l’exposition est sans doute celle qui fait place aux contributions des admirateurs du designer comme Virgil Abloh, Dominique Gonzalez-Foerster ou la regrettée Nanda Vigo, autrice d’une réinterprétation de 16 Animali, fameux puzzle d’animaux en bois. Une exposition qui montre la vivacité de la pensée de ce maestro iconoclaste dont l’esprit contestataire n’a rien perdu de sa pertinence à l’heure où nous sommes engagés à reprendre le contrôle sur notre environnement et la société de consommation. Et qui retentit désormais avec d’autant plus de force.

> « Enzo Mari Curated by Hans Ulrich Obrist ». À la Triennale de Milan, en Italie, jusqu’au 18 avril 2021. 

La Mela (1961), issue de la « Serie della Natura », réalisée avec son frère, Elio Mari (Danese). Des lithographies aux couleurs vives représentant des fruits, des légumes et des animaux, réduits à l’essentiel, qui ont imprégné la culture visuelle des années 80.
La Mela (1961), issue de la « Serie della Natura », réalisée avec son frère, Elio Mari (Danese). Des lithographies aux couleurs vives représentant des fruits, des légumes et des animaux, réduits à l’essentiel, qui ont imprégné la culture visuelle des années 80. DR
Les sculptures en bois formant les « 44 Valutazioni » ont été montrées pour la première fois à la Biennale de Venise en 1977.
Les sculptures en bois formant les « 44 Valutazioni » ont été montrées pour la première fois à la Biennale de Venise en 1977. ANDREA ROVATTI
Formosa (1963), un « calendrier mural perpétuel » (Danese).
Formosa (1963), un « calendrier mural perpétuel » (Danese). DR
Pop (2004), un siège pour enfant (Magis).
Pop (2004), un siège pour enfant (Magis).
Esempio Proposta Autoprogettazione Immagine (1973).
Esempio Proposta Autoprogettazione Immagine (1973). DR
Portrait d’Enzo Mari.
Portrait d’Enzo Mari. DR