Le designer Carlo Mollino en 8 pièces culte

Disparu en 1973, Carlo Mollino tient toujours son rang, justifié par huit pièces exceptionnelles.

Carlo Mollino était un personnage excentrique qui aimait les avions, les autos, le ski, les voyages, l’occultisme et faire des photos érotiques ! Pas question pour lui de créer un bureau, une table ou une chaise en pensant aux contraintes du design industriel et encore moins à celles du marketing moderne. Son registre de formes évoque plutôt des créatures vertébrées un brin surréalistes. Mollino pouvait même s’inspirer de ses traces dans la neige ou de celles qu’il laissait dans le ciel avec son coucou, quand il volait la tête en bas au-dessus de ses étudiants médusés.

Carlo Mollino (1905 – 1973)
Carlo Mollino (1905 – 1973) © PORTRAIT COURTESY MUSEO CASA MOLLINO

Une collection hommage à Carlo Mollino

Parce que Carlo Mollino n’a pas créé pour la grande série, on le réinterprète plutôt qu’on ne le réédite. De nouvelles heures de R&D ont été nécessaires pour cette nouvelle collection parce qu’il a fallu retrouver la qualité de conversation du designer avec ses artisans favoris quand ils créaient sur mesure pour la bourgeoisie éclairée de Turin. Les œuvres de Mollino sont tellement uniques que Zanotta préfère parler d’hommage. De fait, les archives du créateur, déposées au Politecnico de Turin où il enseigné, ont plutôt été des points de départ de discussion pour produire un mobilier adapté au XXIe siècle. Dans cette démarche, du contexte de création aux commanditaires, tout compte. Certains meubles de Mollino sont d’ailleurs à l’origine des pièces uniques, faites sur mesure pour correspondre à des éléments bien précis d’une maison. A chacune des huit pièces rééditées son histoire…


1 – Table de nuit Carlino CM (1938)

Premier meuble conçu par Carlo Mollino en 1938 pour la Casa Miller à Turin, cette petite table de nuit en bois laqué, composée d’un unique tiroir au profil ondoyant, repose sur un seul pied, effilé comme une pointe. En 1949, dans le magazine Domus, Gio Ponti, pour qui « l’architecture même de l’artiste qu’est Mollino est autobiographique », écrit : « Il dessine obstinément, comme un constructeur de machines fantastiques qui perfectionne un télescope ou une catapulte. Ou comme un éleveur qui sélectionne des espèces. Nous attendons ces nouvelles créations avec la curiosité de voir quelles créatures nouvelles, nerveuses, intelligentes et obsessionnellement bizarres il va mettre au monde. »

Table de nuit Carlino CM (1938).
Table de nuit Carlino CM (1938). DR

2 – Miroir Milo CM (1938)

Également conçu pour la Casa Miller, ce miroir reprend par ses contours la silhouette sans tête de la fameuse Vénus de Milo. Chez les Miller, ce miroir aujourd’hui en cristal avec un cliquet en acier pour le suspendre, était accroché sur un grand rideau plissé. Plus tard, Mollino s’inspirera des contours du dos d’une femme allongée d’un dessin de la peintre Leonor Fini pour le plateau en verre d’une table.

Miroir Milo CM (1938).
Miroir Milo CM (1938). DR

3 – Fauteuil Ardea CM (1948)

Le fauteuil Ardea a été dessiné pour les maisons des familles Minola. Avec leur haut dossier à oreillettes, ces fauteuils étaient destinés à être posé au centre de l’espace. Leur coque protectrice fait qu’on s’y sent tout simplement bien. Pour un confort maximal, Ardea est rempli de mousse de caoutchouc. Son piètement en bois courbé noir, très graphique, a quelque chose de zoomorphe, comme une patte d’oiseau. Pour les puristes, on a retrouvé que le tissu était gris perle chez Franca et Guglielmo Minola et jaune cadmium chez Ada et Cesare Minola.

Fauteuil Ardea CM (1948).
Fauteuil Ardea CM (1948). DR


4 – Table Reale CM (1948)

Cette table semble sortie de la tête d’un pro de la construction. Sous le plateau transparent comme le cristal dont il est fait, se trouve l’un des piètements le plus architecturaux de l’histoire du design. Cette table s’inscrit dans les recherches initiées en 1943 par Mollino pour le concours Garzanti du magazine Stile. En 1948, elle a été finalisée pour la compagnie d’assurances Reale Mutua Assicurazioni. Le projet a tellement été étudié en amont que c’est la création de Mollino qui se rapproche le plus d’un projet de design industriel.

Table Reale CM (1948).
Table Reale CM (1948). DR

5 – Table Arabesco (1949)

Cette table symbolise l’étroite collaboration de Mollino avec les artisans. A partir de 1949, pendant un an, Apelli et Varesio vont produire une série de ces tables en contreplaqué d’érable courbé. Les joints et les pieds sont en laiton brossé et l’œil a vue plongeante sur ces détails à travers le plateau en cristal. Des éditions ont été fabriquées pour la Casa Orengo à Turin mais aussi pour Luisa Ponti et Luigi Licitra, de la famille de Gio Ponti. Elle fut aussi de l’exposition partant aux États-Unis en 1950 pour faire découvrir le design italien.

Table Arabesco (1949).
Table Arabesco (1949). DR

6 – Bureau Cavour CM (1949)

Ce bureau a été spécialement dessiné pour le studio de la maison du réalisateur Vladi Orengo. Le résultat a autant l’air d’un bureau que d’une sculpture. Les fonctions ne sont pas pour autant négligées, notamment celle du meuble à tiroirs dont l’un, à hauteur d’usager, est rendu transparent par un dessus vitré. En érable naturel avec des joints de laiton brossé, c’est une symphonie de matériaux choisis. Le plateau de cristal existe aussi en opaline noire avec bois assorti.

Bureau Cavour CM (1949).
Bureau Cavour CM (1949). DR

7 – Fauteuil Gilda CM (1953)

C’est en 1948 que sort le film éponyme de King Vidor. Gilda, son incandescente héroïne incarnée par Rita Hayworth, a très bien pu inspirer Carlo Mollino. Il est d’abord conçu pour Guelfo Cavanna, importateur des machines à écrire Underwood. Une autre variante de Gilda est présentée lors de l’exposition « Italie au Travail » en 1950. Grâce à de petits crans de laiton, le fauteuil Gilda s’incline aisément dans quatre positions. Deux coussins artistiquement enchâssés dans un réseau de bois courbé faisant tout, piètement et accotoirs. Ce fauteuil entre dans l’histoire du design en intégrant à Turin, la Casa Cattaneo. Faut-il rappeler qu’avant de devenir une icône, c’est d’abord un objet d’usage ?

Fauteuil Gilda CM (1953).
Fauteuil Gilda CM (1953). DR

8 – Chaise Fenis (1959)

Aurelio Zanotta, le fondateur de l’éditeur, a remis en circulation dès 1981, soit sept ans après la disparition de Mollino, cette chaise en bois, conçue pour le Château Valentino de Turin, en réalité le siège du Politecnico, où il fut enseignant puis recteur. C’est un bel exercice de re-design de la chaise en bois que l’on trouvait traditionnellement dans le Val d’Aoste. Même si elle a été conçue pour une université, elle devient chaise à scandale quand Mollino y photographie l’un de ses nombreux modèles nus dans une attitude aussi mutine que suggestive. Les contours du dossier se détachent, en contraste sur la peau nue du modèle…

Chaise Fenis (1959).
Chaise Fenis (1959). DR