Tendances 2021 : Les prédictions du spécialiste Pierre-François Le Louët (NellyRodi)

Depuis sa fondation en 1985, NellyRodi cultivait l’image d’un bureau de tendances et de styles qui renseignait les marques, les stylistes et la presse sur l’air du temps. Pierre-François Le Louët, président et CEO de NellyRodi, nous explique la mission actuelle de l’agence, qui va plus loin, puisqu’elle touche à la stratégie commerciale. Comme si le fait de connaître le monde dans lequel on vit était devenu plus vital que jamais, que l’on soit créateur, producteur ou consommateur.

Dans le monde d’après, quel phénomène vous semble incontournable ?
La montée de la Chine. Cela fait vingt ans qu’on en parle, mais c’est maintenant qu’elle s’exprime ! Les importations chinoises en France n’ont jamais été aussi fortes. Parmi les grands gagnants de la crise de la Covid, on trouve la Chine et les GAFAM. Cette crise agit en Europe comme un wake-up call (un réveil des consciences, NDLR). Il faut maintenant accélérer certaines transformations dont on parlait sans jamais les enclencher.

Individuellement, peut-on se réaliser en restant chez soi ?
Ce n’est pas évident. Mais on va aussi se rendre compte que certaines professions sont rétives au télétravail alors que d’autres le trouvent profitable. Il faudra faire le bilan des effets positifs et négatifs des nouveaux styles de vie imposés qui ont émergé et en tirer des conclusions.

La galerie d’art NellyRodi accueille des toiles de Vojtech Kovarik.
La galerie d’art NellyRodi accueille des toiles de Vojtech Kovarik. Grégory Copitet

Qu’en est-il des grands rendez-vous internationaux, tels que Maison&Objet ?
La question se pose pour tous les grands salons professionnels. La reprise des voyages n’est pas imminente même si l’envie est toujours là, y compris pour des motifs professionnels, car les gens veulent se rencontrer et découvrir les choses autrement que sur un écran. Je suis confiant pour l’avenir de ces événements professionnels, tout en restant persuadé qu’ils ne pourront pas reprendre de la même manière. Pas forcément en matière de calendrier, mais en ce qui concerne le nombre de visiteurs et d’exposants. On verra certaines catégories de produits se développer et d’autres se casser la figure. Même le type de relations attendues par les visiteurs ne sera pas le même. Il faudra que les foires ne se contentent pas d’être des événements exclusivement commerciaux, qu’elles trouvent une nouvelle nécessité.

« Vers une nouvelle éthique du voyage »

Dans le domaine du voyage, voyez-vous l’émergence du souci éthique ?
Il y aura d’un côté des séjours d’exception, réservés à une population extrêmement riche, et de l’autre côté, des personnes appauvries par le chômage qui n’auront plus les moyens de voyager. Le désir de circuler sera toujours là, mais les modalités vont devoir changer. Et je pense effectivement que de nouveaux types de voyages à dimension éthique vont se multiplier.

Fini l’attitude « Vacances, j’oublie tout » ?
Pas sûr. Je pense qu’au moment de la sortie du confinement, les gens n’en pourront plus. Beaucoup d’entre nous n’auront qu’une envie, c’est d’aller voir de l’autre côté de la Méditerranée, de l’Asie ou d’ailleurs. Peut-être que ce sera la dernière fois. Peut-être qu’à court terme, le besoin de décompensation des gens sera plus fort que leur conscience sociale et que celle des entreprises, débouchant sur une nouvelle éthique du voyage. Progressivement, de nouveaux équilibres pourraient se mettre en place. C’est le moment pour les tour-opérateurs de travailler en amont sur ce volet éthique.