Biarritz : L’extraordinaire rénovation de l’Hôtel du Palais

L'Hôtel du Palais à Biarritz renaît de ses cendres. Symbole de tout un pan d'histoire de la ville, la résidence impériale dévoile cet été son nouveau visage, fruit d'un lifting de longue haleine mené par l'Atelier Cos et l'architecte du patrimoine Isabelle Joly.

Amorcée en 2015, la mue de l’Hôtel du Palais touche à sa fin… Depuis sa réouverture, en mai 2021, les avis divergent : les néophytes sont émerveillés ; les habitués cherchent encore leurs marques. « De nombreux clients nous rendent visite depuis des années, parfois des générations… » Autant dire que pour eux, une rénovation est forcément clivante. Pourtant, force est de constater que grâce à sa nouvelle enveloppe, le seul palace de la Côte basque entre (enfin) dans le troisième millénaire…

A la manœuvre de ce projet titanesque, on trouve le cabinet d’architecture intérieure Atelier Cos, rompu à l’exercice de la métamorphose de bâtisses historiques (le Ritz Paris, le Four Season George V), et Isabelle Joly, architecte du patrimoine. Un nouveau propriétaire (le groupe américain Hyatt), s’est également ajouté à l’équation en cours de route. Il n’en fallait pas moins pour redorer le blason de cette bâtisse historique chère aux Biarrots.

La grande Histoire de l’Hôtel du Palais

La Villa Eugénie sort de terre en 1855. Un temps résidence secondaire de l’Impératrice Eugénie pour qui Napoléon III le fait ériger, ce paquebot amarré aux portes de l’Atlantique se transforme en hôtel-casino dès 1882 et prend son nom actuel une dizaine d’années plus tard. Ravagé par un incendie en 1903, il est rapidement reconstruit – quasi à l’identique –, exception faite de sa forme globale : un E en hommage à Eugénie. De Coco Chanel à Hemingway en passant par Barbra Streisand, l’adresse devient au cours du XXe siècle un repaire de stars et contribue fortement au rayonnement de la ville. En 2011, il reçoit même la distinction « Palace de France ».

Une renaissance structurelle

Dans la première phase de travaux opérée en 2017, l’hôtel du Palais a revu ses bases. « L’établissement s’est plus ou moins construit de lui-même, au gré des habitudes de son personnel et des agrandissements successifs », explique Hervé Jaillet, directeur de l’Atelier Cos. « Nous avons donc tâché de démêler les flux de circulation des surfaces invisibles pour rendre le travail de chacun plus fluide. » Lors de cette phase, le golf a laissé sa place à un jardin et la piscine a poussé ses murs de sa terrasse afin de libérer de l’espace pour ses mythiques cabanas.

La deuxième tranche du remodelage (2018-2019) concerne majoritairement l’aile ouest de l’hôtel. A l’instar du sous-sol, les chambres de ce tronçon manquaient de cohérence à la suite de rénovations successives. L’Atelier Cos s’est donc appliqué à rendre aux volumes historiques leur superbe, redessinant, par exemple, la vue océan depuis les salles de bain des suites.

De son côté, l’architecte Isabelle Joly a fait disparaître différents éléments superflus comme les traverses posées au milieu des majestueuses fenêtres du restaurant qui scindaient en deux la vue panoramique sur l’Atlantique. Les stores roulants ont eu aussi été enlevés (ouf !) et une terrasse Sud a vu le jour.

Le restaurant La Rotonde offre désormais un panorama modulable sur l’Atlantique.
Le restaurant La Rotonde offre désormais un panorama modulable sur l’Atlantique. Maité Photo

La décoration, une étape cruciale

Parce qu’il était impossible de trahir l’âme de cet édifice historique, le travail de rafraîchissement de la décoration s’est effectué dans le respect le plus total du style originel. Les colonnes, plafonds, moulures et tissus, au même titre que le mobilier ont donc été conservés et restaurés par les équipes d’artisans d’art du palais. Les nouvelles pièces de décorations (meubles, tapisseries, moquettes…) ont toutes été inspirées par un long travail de recherches sur le décor originel du lieu et les styles Second et Néo-Empire.

Monumental mais accueillant, le lobby brise les plafonds de verre.
Monumental mais accueillant, le lobby brise les plafonds de verre. Maité Photo

La partition chromatique constitue l’axe principal du renouveau de la décoration, radicalement retravaillée autour de couleurs minérales et de dégradés pastel qui se marient à la richesse des blancs. Les espaces communs s’illuminent, à l’image du lobby qui, grâce à un remodelage de ses espaces d’accueil, s’affranchit de son aura cérémoniale et ouvre ses portes sur l’extérieur avec plus de simplicité.

A gauche : L’escalier d’honneur sous-lequel se cachait autrefois la réception. A droite : L’une des suites Croisière du cinquième étage.
A gauche : L’escalier d’honneur sous-lequel se cachait autrefois la réception. A droite : L’une des suites Croisière du cinquième étage. ©Schnepp Renou

Les chambres se parent elles aussi de teintes fraîches (harmonies de rose, vert ou de seigle) qui réveillent un caractère luxueux mais facile à vivre. Les suites prennent le nom d’illustres hôtes et s’attachent, de par leur déco, à leur rendre hommage. La suite Sissi dévoile ainsi des apparats féminins et gourmands alors que la Chaplin passe en noir et blanc.

Plus bas de plafond, le cinquième étage évolue quant à lui sur son propre océan. Les architectes ont tiré de cette contrainte l’idée d’un aménagement rappelant celui des croisières, où les bleus profonds répondent à la rondeur des bois laqués. Des hublots remplacent les larges baies vitrées des étages intérieurs.

La suite Sissi de l’Hôtel du Palais.
La suite Sissi de l’Hôtel du Palais. Maité Photo

L’Hôtel du Palais, un vrai lieu de vie

En marge de cette large rénovation, un nouveau bar a vu le jour. Le Napoléon III s’inscrit désormais dans une pièce attenante au restaurant précédemment utilisée comme salle de conférence. A sa place, la partie « lounge » du restaurant prend ses aises. Si ce salon agrandi a vocation à accueillir le gotha biarrot tout au long de la journée (autour d’un casse-croûte, d’un Tea Time ou d’un apéritif), le bar, lui, vise plutôt les oiseaux de nuit.

Pour bercer cette agitation nocturne, ce nouvel espace épouse les codes du Second Empire. Couleurs fortes (bleu royal et rouge profond) et partis pris décoratifs grandiloquents (moulures peintes à la bronzine, lustre à pampilles en cristal, fauteuils en cuir, moquette dessinée sur mesure…) font du bar Napoléon III le clou du spectacle.

Le bar Napoléon III.
Le bar Napoléon III.

Le restaurant, à contrario, est peut-être l’espace qui a subi le moins de modifications. Suspendue les pieds dans l’eau, La Rotonde a pris un coup de jeune tout en restant parfaitement reconnaissable. Ce qui change, ce sont ses cuisines. Après vingt-neuf ans aux fourneaux, le chef Jean-Marie Gautier cède la place à son ancien commis, Aurélien Largeau, parti entre temps affuter ses couteaux chez Christopher Coutanceau (3 étoiles), à La Rochelle. Son style, résolument tourné vers les richesses du terroir basque et le végétal, sonne le renouveau de l’établissement gastronomique, avec l’ambition d’une prochaine étoile…

L’architecture intérieure de La Rotonde, le restaurant de l’Hôtel du Palais, est restée intacte.
L’architecture intérieure de La Rotonde, le restaurant de l’Hôtel du Palais, est restée intacte. Hôtel du Palais

> Hôtel du Palais. 1, avenue de l’Impératrice, 64200 Biarritz. Réservations. L’hôtel fait partie de « The Unbound Collection » par Hyatt.