Portrait : Thomas Vidalenc, l’architecte qui transforme sans dénaturer

Maison au bord d’un lac en Auvergne, ferme en région parisienne, hôtel à Paris... L’architecte parisien multiplie les projets de requalification tout en gardant constamment un œil sur les usages contemporains et le respect de l’histoire des lieux.

Alors que l’époque semble tourner le dos aux « starchitectes » et à leurs projets signature, Thomas Vidalenc a toujours préféré les rénovations à la page blanche : « Je suis très à l’aise avec l’idée de la requalification », explique ce quadragénaire, qui est actuellement plongé dans le travail de réhabilitation d’un ancien moulin localisé dans un site protégé. « Pour moi, transformer, c’est préserver un lieu qui risquerait de s’effondrer et de disparaître définitivement si l’on n’intervenait pas. C’est le cas de nombreux bâtiments aujourd’hui », raconte-t-il, lui qui a passé toutes ses vacances d’enfance en Auvergne, région où des corps de fermes sont souvent à l’abandon. Ce qui l’a sans doute influencé…

La simplicité de Thomas Vidalenc

Son architecture, très simple mais pas minimaliste, s’exprime dans l’usage des matériaux. Leur beauté ne découle pas d’un effet de style, mais de la fonctionnalité du lieu. « Très jeune, j’étais captivé par les volumes et par les espaces. À 5 ans, je m’intéressais déjà aux chantiers. Et puis, à l’adolescence, j’ai matérialisé cette passion en commençant à dessiner des plans de maisons », raconte-t-il. C’est donc naturellement qu’il passe ensuite les concours des écoles d’architecture et qu’il entre à l’ÉSA (École spéciale d’architecture).  « J’ai hésité avec Camondo, une école d’architecture intérieure, car je suis attiré autant par la coque que par les volumes intérieurs. Pour moi, ils sont indissociables. D’ailleurs, je ne comprends pas que l’on confie à deux personnes différentes les architectures extérieures et intérieures. Un chantier est un tout et, à mon sens, ces volumes se heurtent s’ils ne sont pas envisagés par le même professionnel. »

Ainsi pour l’hôtel Le Ballu, à Paris (IXe), livré en 2019, l’architecte a dessiné la majorité du mobilier, pour plus de cohérence. Alors qu’il n’a pas terminé ses études, Thomas Vidalenc réalise ses premiers projets (un appartement, une maison à retaper…) grâce au bouche-à-oreille. Il prend goût à ces réhabilitations et se passionne pour le travail du photographe américain Gordon Matta-Clark, célèbre pour ses images de sites abandonnés sur lesquels il intervient en détruisant des morceaux de planchers, de plafonds ou de murs, opérant ainsi des trouées dans le paysage urbain.

Pour l’hôtel Le Ballu, à Paris (IXe), l’intervention sur l’architecture intérieure a été poussée jusqu’à la conception d’une large partie du mobilier.
Pour l’hôtel Le Ballu, à Paris (IXe), l’intervention sur l’architecture intérieure a été poussée jusqu’à la conception d’une large partie du mobilier. clara israel

Les volumes, l’essentiel

Le jeune architecte mûrit alors l’idée de « jouer » avec d’anciennes bâtisses, en découpant, par exemple, des pignons aveugles de fermes ou de granges, qu’il remplace par d’immenses baies vitrées. Comme pour la maison Roche (2017), une bâtisse auvergnate du XIXe siècle située au sommet d’une montagne avec vue sur un lac, ou pour la ferme de Ferrières (2009), datée du XIIe siècle, en région parisienne, où sont percés des murs presque aveugles pour la rendre habitable, sans dénaturer son caractère imposant. « Si les règlements d’urbanisme se sont complexfiés et qu’il est de plus en plus difficile de construire, ma pratique de réhabiliter des bâtiments inscrits dans des lieux protégés, naturels ou historiques m’a habitué à cette course d’obstacles qu’est l’architecture », précise Thomas Vidalenc.

La maison Roche (2017), une bâtisse auvergnate de 1841, reprise alors qu’elle menaçait ruine. Des ouvertures découpées dans ses façades larges d’un mètre et des tours intérieures en béton armé en ont repensé la distribution, ouvrant de nouvelles perspectives sur la mémoire du lieu.
La maison Roche (2017), une bâtisse auvergnate de 1841, reprise alors qu’elle menaçait ruine. Des ouvertures découpées dans ses façades larges d’un mètre et des tours intérieures en béton armé en ont repensé la distribution, ouvrant de nouvelles perspectives sur la mémoire du lieu. Didier Delmas

Une économie de moyens héritée du passé

Son projet le plus exemplaire est sans doute une vieille ferme ostréicole, sur une île du golfe du Morbihan, classée en zone Natura 2000, et sur les murs de laquelle il a réalisé des ouvertures pour apporter de la lumière et de la modernité, toujours dans le respect du bâti originel. « Je visite tous mes chantiers parce que, pour moi, la question essentielle est celle des volumes, des vues, des percées, de la circulation, impossibles à concevoir si l’on n’est pas sur place. Et puis, j’ai besoin de sentir les matériaux », déclare celui qui se dit frappé par l’exemplaire économie de ces derniers dans la construction des maisons anciennes. Il essaie de reproduire cet usage dans ses projets à base de pierre, de métal et de bois et, parfois, d’une touche de béton…

Un exercice pour lequel il se reconnaît un maître en la personne de l’architecte Ieoh Ming Pei. « J’ai retrouvé dans son architecture la même simplicité et la même qualité des volumes que celle des fermes auvergnates. Et si la pyramide du Louvre est un exemple parfait, le prolongement est de la National Gallery of Art, à Washington, m’a aussi beaucoup marqué », explique ce collectionneur de livres et de brochures ayant pour sujet l’œuvre du maître américain d’origine chinoise, qui a su sublimer l’un des sites les plus protégés de France.

> Thomas Vidalenc, 21, rue de Longchamp, 75016 Paris, Tél. : 01 44 43 03 03. vidalenc.com

Pour le projet de cette ferme bretonne Thomas Vidalenc a tenu a conserver la bâtisse originelle.
Pour le projet de cette ferme bretonne Thomas Vidalenc a tenu a conserver la bâtisse originelle. DR
Pour la Maison du Danemark, à Paris (VIIIe), il réhabilite les deux restaurants de l’institution en collaboration avec le studio GamFratesi dans l’optique d’une relecture contemporaine des brasseries traditionnelles.
Pour la Maison du Danemark, à Paris (VIIIe), il réhabilite les deux restaurants de l’institution en collaboration avec le studio GamFratesi dans l’optique d’une relecture contemporaine des brasseries traditionnelles. DR