A la Villa Noailles, Constance Guisset fait décoller le design

Avec sa Space Station à la Villa Noailles à Hyères, Constance Guisset nous embarque pour un voyage intersidéral pensé comme une métaphore du monde contemporain et du rôle qu’y jouent les designers…

En 2009, Constance Guisset, alors fraîchement diplômée de l’ENSCI, reçoit le prix du public du festival Design Parade. Douze ans plus tard, la designer est de retour à la Villa Noailles à Hyères (Var), mais cette fois en tant que présidente du jury (voir résultats à la fin de cet article) et invitée d’honneur.

Constance Guisset dans l’ancienne piscine de la Villa Noailles, qu’elle a transformée en planète inconnue.
Constance Guisset dans l’ancienne piscine de la Villa Noailles, qu’elle a transformée en planète inconnue. marc-antoine-serra

A l’occasion des 15 ans de Design Parade, son président Jean-Pierre Blanc a confié le premier étage du bâtiment de Mallet-Stevens à la Parisienne, qui l’a investi avec une mise en scène immersive, domaine où elle excelle. A la fois un voyage intergalactique à la découverte d’une planète inconnue… et une réflexion sur le métier de designer, ses bonheurs et ses avanies. « On a tous fait une quarantaine ; maintenant, on voyage ! », confiait-elle aux premiers visiteurs de l’exposition.

Des objets météorites

Au-delà de l’architecture iconique de Mallet-Stevens, c’est la personnalité de sa commanditaire Marie-Laure de Noailles, qui l’a inspirée, et notamment son goût pour l’astronomie et la gymnastique. Elle a donc envisagé les quatre salles de l’exposition comme autant d’étapes dans un voyage stellaire qu’elle engage à explorer muni d’un carnet de notes.

La salle du squash plongée dans l’obscurité…
La salle du squash plongée dans l’obscurité… ©Constance Guisset Studio

L’odyssée débute dans l’ancienne salle du squash où, dans une pénombre étudiée figurant l’intérieur d’un vaisseau spatial, trônent comme des météorites des objets finis (la lampe en papier Angelin, les suspensions Cape…) et ceux encore en devenir. Une mise en scène dérivée d’une collaboration avec le chorégraphe Angelin Preljocaj, qu’elle a accompagné sur de nombreux projets. On atterrit ensuite sur la terrasse surplombée d’un mât/girouette, qui semble avoir été planté là par Constance Guisset pour marquer son territoire.

Des pièces inédites de Constance Guisset

Element central de l’exposition, la piscine propose un immense espace baigné de lumière, dont la designer a orné les murs d’un paysage de couleurs franches, inhabituelles dans sa palette. La pièce est ponctuée de meubles qu’elle a dessinés mais aussi d’objets qui évoquent Marie-Laure de Noailles, comme cette corde qui tombe du plafond et n’attend qu’un valeureux grimpeur.

La salle des machines que l’on découvre à travers des ouvertures ménagées dans une cloison.
La salle des machines que l’on découvre à travers des ouvertures ménagées dans une cloison. ©Constance Guisset Studio
Dans la piscine de la Villa Noailles, Constance Guisset a installé son exposition « Objectif Villa ».
Dans la piscine de la Villa Noailles, Constance Guisset a installé son exposition « Objectif Villa ». ©Constance Guisset Studio

Sur cette planète inconnue, les objets de Constance Guisset ont pris vie et sont sortis s’abreuver dans la piscine recouverte de moquette pailletée, un peu comme des animaux viennent boire dans les étangs à la tombée du jour. On retrouve bien sûr la lampe Vertigo et ses récentes déclinaisons mais aussi des pièces inédites comme les fauteuils Capeline (Constance Guisset Edition) ou le canapé modulable Dolmen, récemment réalisé pour Pierre Frey.

Une mission d’exploration

Entre les deux, on jette un regard indiscret par une fente ménagée à hauteur d’œil sur un atelier peuplé de maquettes et prototypes pas encore aboutis. Le laboratoire d’une civilisation extra-terrestre ou celui de Constance Guisset ? Cette salle des machines est envisagée comme une salle des possibles, des formes à venir… Une façon d’évoquer le travail de prototypage avec des maquettes de papier, activité hautement chronophage mais indispensable à la designer.

L’ancien gymnase où s’exposent les dessins de Constance Guisset.
L’ancien gymnase où s’exposent les dessins de Constance Guisset. ©Constance Guisset Studio

Dernière étape, le gymnase des Noailles, où croquis et photos se déploient autour du canapé Waves (La Cividina). Dans cette pièce où sont censés être rassemblés les compte-rendus scientifiques tirés de cette mission d’exploration, Constance Guisset a réuni des dessins réalisés durant le confinement à partir d’objets ramassés sur une page normande. Une façon pour elle de montrer son processus de création, ses inspirations organiques et le rôle crucial du dessin. Bref, tout ce qui fait son métier de designer…

> « Objectif Villa », jusqu’au 5 septembre à la Villa Noailles. Montée de Noailles, 83400 Hyères. Entrée libre. Du mardi au dimanche, de 15 h à 21 h ; le jeudi, de 15 h à 21 h.


A voir aussi à la Villa Noailles

> Design Parade
Les 10 jeunes finalistes du grand concours de design organisé par Design Parade exposent leurs projets dans les sous-sols de la Villa. L’occasion de découvrir les enseignes éoliennes des lauréats CanelAverna, le travail de recherche formelle autour du trou de Henri Frachon ou les meubles en plasticine de Johanna Seeleman.

Les lauréats Design Parade 2021 :
> Grand Prix du Jury Design Parade Hyères & le Prix Sammode : Cécile Canel et Jacques Averna
> Mention spéciale du jury : Henri Frachon
> Mention Spéciale Eyes on Talents x Frame : Johanna Seeleman
> Prix du public de la ville d’Hyères : Arthur-Donald Bouillé

Les enseignes sans électricité de CanelAverna, lauréats du concours Design Parade 2021.
Les enseignes sans électricité de CanelAverna, lauréats du concours Design Parade 2021. Agathe Joubert

> Hélène Henry
L’exposition historique de la Villa Noailles est consacrée à Hélène Henry (1891-1965), pionnière française du design textile. Cette femme fut parmi les premières à utiliser la soie artificielle dans les années 1910 et a ensuite collaboré avec Mallet-Stevens, Pierre Charreau, René Herbst… Ses tissus vibrants, qui scintillent à la lumière, s’exposent dans une remarquable scénographie.

Les tissus de Hélène Henry s’exposent tout l’été à la Villa.
Les tissus de Hélène Henry s’exposent tout l’été à la Villa. marc-antoine-serra

> Grégory Granados
Le lauréat 2019 de Design Parade retrace dans une salle ses deux ans de résidence à la fois au Cirva (centre de recherche marseillais sur le verre) et à la Cité de la Céramique de Sèvres. Dans ses œuvres très poétiques, les plantes dansent quand on met de la musique et la porcelaine résonne…

Création de Grégory Granados avec le fabricant de luminaires Sammode.
Création de Grégory Granados avec le fabricant de luminaires Sammode. Luc Bertrand