Cocteau et Pigalle inspirent la nouvelle Soho House, à Paris

Nick Jones aime les atmosphères flamboyantes. Pigalle avait donc tout pour le séduire. Après des années de spéculation et de tractation, Soho House, l'un des clubs les plus sélects au monde, s'installe enfin à Paris. IDEAT a rencontré Severine Lammoglia, Lead Designer du groupe.

Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Paris est de longue date sur la liste des projets du groupe hôtelier de Nick Jones. Il aura fallu plus de cinq ans pour concrétiser un rêve en réalité, en lieu et place des premiers pas d’une légende, Jean Cocteau, dans un quartier au passé sulfureux, comme il les aime. La Soho House Paris est enfin prête à faire mourir de jalousie ceux qui ne seraient pas détenteurs d’une carte de membre ou (pire) qui n’en connaîtraient pas. Car, comme à son habitude, ce club, l’un plus exclusifs, n’ouvrira ses portes qu’à une bande de happy few.

Après plus d’une trentaine d’hôtels semés à travers le monde — bientôt deux nouveaux : Rome et Brighton —, le milliardaire britannique s’est donc offert une adresse de prestige aux abords de Pigalle, l’ancien hôtel particulier de la famille Cocteau. Si l’on ne trouvera pas la chambre de Monsieur, son âme habite encore indéniablement les lieux. Remodelés et décorés pour coller à l’esprit des Soho Houses mais aussi répondre à la réputation glamour de son quartier, les cinq étages de l’ancienne bibliothèque de l’Alliance israélite universelle offrent un brassage des genres inédit. A chaque niveau son atmosphère.

Chez Cecconi, le restaurant situé sur le toit de la Soho House berlinoise.
Chez Cecconi, le restaurant situé sur le toit de la Soho House berlinoise. Stevens Frémont

Si le restaurant et le jardin d’hiver répondent à l’image que l’on se fait d’une Soho House (cosy, feutrée, chic), les étages déroulent une vraie partition déco. Le premier, réservé aux grandes et opulentes suites, fait écho à la grandeur de Versailles. Lits à baldaquins, moulures, dorures, mobilier style Louis XV… La France royale est à l’honneur. Juste un peu plus haut, la taille des chambres se réduit d’un cran et l’atmosphère s’y fait plus décontractée : le bois verni laisse place au rotin ou au bambou et les épais tapis à des jolies tomettes provençales. Comme un fil rouge, on retrouve au deuxième et au troisième étages des fresques enlevées, peintes sur des murs à la chaux, qui ne sont pas sans rappeler le trait de Cocteau à la Villa Santo Sospir.

Roberto Ruspoli signe les fresques hommage à Cocteau.
Roberto Ruspoli signe les fresques hommage à Cocteau. Soho House

Les membres auront le choix de faire du sport au Health Club, de converser en toute tranquillité ou d’assister à un concert au Cabaret ou de faire quelques brasses dans le bassin extérieur. Equipé de machines dernier-cri, imaginée comme une salle de spectacle typique du quartier et flanquée de larges bains de soleil sur lesquels lézarder, la Soho House Paris n’oublie aucun des codes qui ont fait la réputation de ces hôtels exclusifs.

A l’occasion de l’ouverture de la Soho House Paris, IDEAT a rencontré Severine Lammoglia, Lead Designer du groupe.


Quatre questions à Severine Lammoglia, Lead Designer du groupe Soho House

IDEAT : Quelles étaient les particularités architecturales du lieu avant les travaux ?
Severine Lammoglia, Soho House Paris : Ce sont trois bâtiments d’époques différentes, connectés les uns aux autres — du 19ème siècle, des années 1940 et de l’époque contemporaine. Cela nous a permis de créer différents styles de pièces en fonction du bâtiment dans lequel se trouvent les chambres. La cour a également joué un rôle important dans le choix de ce bâtiment, que nous avons intégrée à la maison en imaginant un beau jardin d’hiver.

Marie-Antoinette aurait-elle séjourné à la Soho House Paris ?
Marie-Antoinette aurait-elle séjourné à la Soho House Paris ? Soho House

Comment avez-vous abordé la création de la première Soho House française ? Avez-vous respecté des codes spécifiques ?
S. L. : Nous nous sommes immergés dans la culture et les références françaises. Nous avons étudié et lu des articles sur les principaux designers français, dont Jean Royère et Emile-Jacques Ruhlmann, qui ont inspiré une grande partie de nos meubles sur-mesure et de notre sélection vintage. Aussi, nous avons examiné la collection d’archives de la maison de tissus française Pierre Frey pour reproduire certains de leurs textiles. Il était important de respecter l’histoire du bâtiment en conservant le caractère de chaque espace. Chiner est au cœur du design de Soho House et fonctionne parfaitement avec l’approche française pour créer un intérieur chaleureux et intemporel, un look effortless mélangeant vintage et contemporain.

Comment décririez-vous la décoration des différents espaces ?
S. L. : L’adaptation aux détails architecturaux du bâtiment a inspiré une partie de notre conception. Par exemple, les chambres « Boudoir », où nous avons complété les moulures existantes avec de riches rideaux à motifs, des lits à baldaquin avec des têtes de lit en lin glacé et des meubles en bois noueux pour conserver une touche classique. Au troisième étage, nous avons créé des chambres mansardées, comme un clin d’œil aux petites chambres des derniers étages parisiens. Ces chambres ont des plafonds en bois apparent, s’habillent de carreaux de terre cuite inspirés de ceux que nous avons trouvés sur place et de tissus aux tons doux. Du marbre s’invite dans les salles de bains.

L’un des cocons cosy de la nouvelle Soho House.
L’un des cocons cosy de la nouvelle Soho House. DR

Le quartier de Pigalle a aussi été une grande inspiration, notamment notre salle « Cabaret ». Les panneaux muraux rembourrés rouges et un plafond en tissu de style chapiteau créent une opulence, qui contraste radicalement avec notre jardin d’hiver, clair et aérien, où les ferronneries et la végétation tiennent la vedette. Nous avons également déniché des meubles vintage français en bambou et rotin que nous avons twistés pour créer nos banquettes et chaises d’extérieur.

Comment Cocteau a-t-il inspiré cette réalisation ?
S. L. : Nous nous sommes penchés sur la vie et l’art de Cocteau. Nous avons trouvé un artiste, Roberto Ruspoli, dont le travail fait écho au sien et nous lui avons demandé de peindre des fresques murales dans nos chambres mansardées. Nous nous sommes également inspirés de la maison française de LP Promenheur et avons travaillé avec Degournay pour créer un papier peint à intégrer dans notre espace bibliothèque. Nous avons eu beaucoup de chance d’investir un lieu si empreint d’histoire…

> Soho House Paris. 45 Rue la Bruyère, 75009 Paris. Uniquement accessible aux membres et aux amis des membres. Voir les conditions.