Entretien : Monica Pedrali, un design made in Italy

Monica Pedrali dirige avec son frère l’entreprise familiale créée par leur père en 1963. Directrice générale, directrice commerciale et du marketing, elle défend une vision engagée de la production made in Italy.

Pedrali, est-ce avant tout une histoire de famille ?
Monica Pedrali : Depuis mon enfance, je respire l’air du monde du meuble. Mon père, Mario, a fondé l’entreprise en 1963. Ma mère l’a toujours soutenu. Enfants, mon frère Giuseppe et moi venions fréquemment au bureau ou au showroom et nous accompagnions nos parents dans les salons. Giuseppe se rendait plus souvent à l’usine, moi j’étais fascinée par les discussions de mon père avec les clients ou les architectes. J’adorais aussi arpenter les salons et assister aux séances photo. 

Après des études d’économie, vous démarrez votre carrière dans l’entreprise…
MP : Oui, dans l’administratif d’abord, puis au service commercial. Au début des années 90, mon père m’a chargée de développer le service export, ce qui me passionnait. J’ai commencé à voyager à l’étranger pour des salons et à rendre visite à nos clients. Je coordonnais aussi la création des catalogues, le lancement des nouveautés. On m’a ensuite confié le service marketing. Ces départements comptent aujourd’hui environ 70 personnes. Pedrali emploie 300 collaborateurs, est présente dans plus de 100 pays, pour un chiffre d’affaires de près de 100 millions d’euros.

A gauche :  Monica Pedrali a baigné dans le monde du meuble depuis son enfance. Désormais, elle cumule les casquettes à la tête de l’entreprise familiale. A droite : Le fauteuil Babila XL, d’Odo Fioravanti, fait partie de la famille « Recycled Grey », des produits en plastique 100 % recyclé.
A gauche :  Monica Pedrali a baigné dans le monde du meuble depuis son enfance. Désormais, elle cumule les casquettes à la tête de l’entreprise familiale. A droite : Le fauteuil Babila XL, d’Odo Fioravanti, fait partie de la famille « Recycled Grey », des produits en plastique 100 % recyclé. Andrea Garuti

« Les femmes représentent 65 % du personnel »

Monica Pedrali : Être une femme dans ce milieu industriel, est-ce que ça change quelque chose ?
Je ne pense pas. Ce qui importe, c’est la détermination à atteindre ses objectifs et le désir d’apprendre. Je remercie mon père de m’avoir donné les mêmes chances qu’à mon frère. Il est vrai que Pedrali est une entreprise d’ingénierie mécanique, mais cet environnement très masculin n’a jamais été une limite. J’ai plutôt saisi l’occasion d’y apporter de la beauté, pas seulement par la couleur des produits, le soin des détails ou des finitions, mais aussi par la présence de femmes dans les services commerciaux et de marketing, et d’autres, plus techniques, comme le service achats, la R&D, la logistique et la planification de la production. Aujourd’hui, les femmes représentent 65 % du personnel dans les bureaux et 45 % dans l’usine. C’est une « anomalie » positive pour ce secteur. 

Une fabrication 100 % made in Italy, est-ce facile ?
Nous avons choisi de produire tous nos composants en interne, sur nos sites de Mornico al Serio et de Manzano. Le premier, dans la province de Bergame, confectionne le mobilier en métal, en plastique et rembourré, le second, dans la province d’Udine, réalise nos meubles en bois. Cela avec un haut niveau de qualité assuré par des contrôles complets tout le long de la chaîne. C’est avec cette même confiance dans la production italienne que Pedrali s’était attaquée au marché international à la fin des années 70.

A gauche : Le panneau de séparation et le bureau « Toa » de Robin Rizzini. Le designer est l’une des signatures de la gamme « New Ideas 2020 ». A droite :  La chaise Blume de Sebastian Herkner, une autre signature récente de l’écurie Pedrali.
A gauche : Le panneau de séparation et le bureau « Toa » de Robin Rizzini. Le designer est l’une des signatures de la gamme « New Ideas 2020 ». A droite :  La chaise Blume de Sebastian Herkner, une autre signature récente de l’écurie Pedrali. Andrea Garuti

Une collection 100% recyclée

En quoi l’innovation est-elle un maître mot pour vous ?
Monica Pedrali : Elle est essentielle. Pedrali est une entreprise de l’industrie 4.0, nos usines sont équipées de machines interconnectées. Nous investissons depuis des années une part importante du chiffre d’affaires dans l’innovation, la technologie et l’usine. En 2016, nous avons inauguré Fili d’Erba, un entrepôt entièrement automatisé conçu par CZA (Cino Zucchi Architetti). Cette installation fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour le stockage de 16 880 palettes de produits finis et semi-finis. Le bâtiment de 29 mètres de haut et de 7 000 m2 est relié à la zone industrielle existante via un skytrain.

Votre implication dans la défense de l’environnement est reconnue. En octobre 2020, vous présentiez « Recycled Grey », de quoi s’agit-il ?
Ce sont nos premières collections en plastique 100 % recyclé, après des années d’expérimentation. Cette nouvelle matière se compose à 50 % de déchets plastiques post-consommation, issus du recyclage de bouteilles ou d’emballages alimentaires et à 50 % de déchets industriels : détritus, contenants, films plastiques. Avec elle, nous fabriquons des produits « verts » de haute qualité et aux excellentes performances mécaniques. C’est un pas de plus vers la durabilité environnementale. Nous avons récemment terminé d’évaluer notre empreinte carbone et obtenu la certification UNI EN ISO 14064-1:2019. Ces données concrètes nous permettent de définir des objectifs d’amélioration continus, contrôlables et atteignables.l

Vous avez commencé à travailler avec Sebastian Herkner et Robin Rizzini pour la gamme « New Ideas 2020 ». Pourquoi ce choix ?Nous nous connaissons et nous nous respectons depuis de nombreuses années, peut-être même depuis plus d’une décennie. Les collections « Blume », de Sebastian Herkner, et « Toa », de Robin Rizzini, expriment des valeurs de beauté, de tradition, d’innovation et de durabilité qui représentent véritablement l’âme de notre entreprise. Ces deux créateurs sont arrivés au bon moment et une alchimie s’est opérée, comme un puzzle qui prend forme.