Caroline Tissier : un univers à mi-chemin entre architecture et gastronomie

L’architecte d’intérieur Caroline Tissier est devenue une figure incontournable de la gastronomie hexagonale. Auteur à ce jour d’une trentaine de restaurants pour des chefs de renom, elle n’a de cesse de renouveler son approche dans le but de n’imprimer aucun style identifiable, si ce n’est celui du chef commanditaire.

Akrame Benallal, David Toutain, Christophe Hay, Jacky Ribault, Yohann Chapuis, Guillaume Sanchez, Thibault Sombardier… Pour la plupart étoilés, tous ces chefs ont un point commun qui n’est pas anodin : avoir confié la décoration de leur restaurant à Caroline Tissier. Cette architecte d’intérieur s’est, en à peine dix ans d’activité, forgé une solide réputation dans l’aménagement de tables pour des cuisiniers en pleine ascension.

Pourtant, le baccalauréat en poche, sa voie n’était pas clairement tracée. « Mon père était architecte et je le voyais souvent soucieux. Instinctivement, je me suis éloignée de cette profession pour échapper à cela. Au point de suivre des études de droit ! » explique-t-elle. C’est à la trentaine que l’évidence du métier lui revient comme un boomerang.

A gauche : Le restaurant Qui Plume La Lune A droite : L’architecte d’intérieur Caroline Tissier.
A gauche : Le restaurant Qui Plume La Lune A droite : L’architecte d’intérieur Caroline Tissier. Young-Ah Kim

Un attachement à l’univers de la restauration

Elle retourne pendant deux ans sur les bancs de l’école, cette fois-ci pour y suivre une formation en architecture d’intérieur. Diplômée de l’école Boulle, elle démarre chez Ligne Roset sur des projets d’aménagements pour des particuliers, puis rejoint son mari au sein d’un bureau d’études spécialisé en café-hôtellerie-restauration (CHR).

Après une demi-douzaine d’années à développer des concepts, elle éprouve le besoin de monter sa propre structure afin d’être au plus près du métier d’architecte, tout en continuant de travailler avec son mari sur certains chantiers. L’un d’eux, plutôt singulier, témoigne de cet attachement à l’univers de la restauration que Caroline Tissier nourrit. « Un bistrot était à céder près de chez nous, à Fontenay-sous-Bois. Alors, avec un ami restaurateur, partant pour gérer le lieu au quotidien, nous nous sommes lancés. L’offre était plutôt inédite et a tout de suite trouvé un public. »

Restaurant de la Maison d’à Côté par le chef Christophe Hay.
Restaurant de la Maison d’à Côté par le chef Christophe Hay. DR

Le « décor » de la table parisienne selon Caroline Tissier

Peu de temps avant, c’est surtout un projet pour un chef parisien très attendu par la critique qui va amorcer son activité en nom propre. En 2011, elle signe ainsi le « décor » de la table parisienne d’Akrame Benallal, rue Lauriston. « Je connaissais Akrame depuis Tours, où il a démarré. Aussi, j’ai eu le temps de découvrir sa cuisine, de la voir évoluer pour réaliser un décor à son image », explique-t-elle.

Si cette table-là joue la carte d’un XVIarrondissement chic, mais qui ose, avec notamment une galerie de portraits de femmes tatouées accrochés au mur, celle d’un David Toutain propose une ambiance plus épurée, entre élégance scandinave et loft new-yorkais. Du côté de L’Ours, à Vincennes (94), de Jacky Ribault, il s’incarne dans une atmosphère de maison de campagne contemporaine.

Une recherche gustative

Le restaurant Origines du chef Julien Boscus par l’architecte d’intérieur Caroline Tissier.
Le restaurant Origines du chef Julien Boscus par l’architecte d’intérieur Caroline Tissier. Pierre-Lucet Penato

Car il n’y a pas une « griffe » Caroline Tissier, comme certains décorateurs la revendiquent par des jeux stylistiques très reconnaissables. « D’abord, je goûte la cuisine des chefs, c’est important, puis je les écoute attentivement, ce qu’ils aiment, leurs références… sans forcément chercher à faire du copier-coller. Je fais en sorte qu’ils se sentent vraiment chez eux… et pas chez moi », décrypte Caroline.

Pour autant, l’architecte sait parfaitement qu’il y a des codes à respecter, notamment un certain confort et parfois ceux dictés par le guide Michelin. « Quoi qu’ils disent, ils y sont tout de même très attentifs », avoue-t-elle. Mais quel que soit le projet, elle porte une grande attention au traitement de la lumière : « Il n’y a rien de pire qu’un restaurant trop éclairé. »

D’une bâtisse du XVIIe en un restaurant 5 étoiles

Même si, d’une manière générale, elle admet volontiers qu’un restaurant réussi est surtout le fruit d’un juste équilibre entre la cuisine, la déco et le service. L’approche semble satisfaire ceux qui l’ont sollicitée une première fois, puisqu’ils sont quelques-uns à refaire appel à elle. À l’image de Jacky Ribault, qui lui a confié la réalisation, à Noisy-le-Grand (93), d’une brasserie associée à des commerces de bouche, ou bien encore de Christophe Hay, pour qui elle a déjà signé La Maison d’à côté, en 2015, à Montlivault (41).

Il lui a donné de quoi phosphorer pour les dix-huit mois à venir, sur la reconversion d’une bâtisse monumentale du XVIIe siècle, située en bord de Loire, en un établissement comprenant un hôtel 5 étoiles de 44 chambres, une table gastronomique, une brasserie, une pâtisserie et un spa. « Un projet pas simple, mais formidablement inspirant ! » On en a d’ores et déjà l’eau à la bouche.