La Villa Noailles fête ses 100 ans !

Sur les hauteurs d’Hyères, la Villa Noailles est un lieu culte pour les amoureux de l’architecture moderniste, mais aussi pour la jeune création en mode, photographie et design qui y est révélée chaque année, dans des festivals internationaux organisés depuis trente-sept ans. Flash-back.

Sous le soleil varois, Hyères est réputée pour ses pépinières de palmiers et de pivoines. Cette fleur a d’ailleurs, depuis le printemps 2021, sa fête annuelle à la Villa Noailles, la maison moderniste construite par Robert Mallet-Stevens dans les années 20 pour le couple de mécènes Charles et Marie-Laure de Noailles. Labellisée Centre d’art d’intérêt national en 2003, la Villa Noailles est surtout, depuis 1984, un indéniable vivier de talents grâce à ses trois festivals internationaux annuels : de mode et de photographie, de design et enfin d’architecture intérieure, qui a lieu à Toulon.

Soutenir la nouvelle création

L’exposition « Futurissimo, l’utopie du design italien » a investi l’Hôtel des Arts de Toulon en 2021 (à gauche) / Dans le salon rose de la Villa, exposition « Resident Aliens » du lauréat du grand prix du jury de la photographie 2020, le Chinois Guanyu Xu (à droite).
L’exposition « Futurissimo, l’utopie du design italien » a investi l’Hôtel des Arts de Toulon en 2021 (à gauche) / Dans le salon rose de la Villa, exposition « Resident Aliens » du lauréat du grand prix du jury de la photographie 2020, le Chinois Guanyu Xu (à droite). Luc Bertrand

« Leur mission est identique : aider et soutenir la jeune création. C’est l’ADN de la Villa », résume Jean-Pierre Blanc, directeur de la Villa Noailles et fondateur des festivals. Nés à des époques différentes, tous néanmoins s’articulent autour d’un concours international mettant en compétition les projets de dix finalistes. Leur fonctionnement repose sur la constitution d’un jury, chaque fois nouveau, qui réunit la crème des professionnels – présents sur place – ainsi que sur des expositions, ateliers et conférences ouverts au public. Les prix décernés, eux, sont des passerelles vers l’avenir : dotations financières, résidences, expositions, collections capsules, collaborations, et même dorénavant un mentoring Instagram. Des rendez-vous cultes donc, qui rassemblent dans une ambiance bon enfant designers à peine diplômés, stars de la profession, presse, partenaires (le financement des festivals est à 60 % public et 40 % privé, avec des sponsors fidèles comme Chanel, Van Cleef & Arpels, Hermès, LVMH, Première Vision…). Chaque festival offre également l’opportunité de créer son réseau international et transgénérationnel.

Retour sur cette belle aventure avec Jean-Pierre Blanc, amoureux inconditionnel de sa ville et du Sud, tout autant que de la jeune création qu’il soutient activement depuis presque quarante ans. « La mode m’a toujours fait rêver », commence-t-il. Pour rappel, les années 80 sont celles de Jack Lang en costume Mugler, à l’Assemblée nationale, et des défilés parisiens de Jean Paul Gaultier, Claude Montana, Yohji Yamamoto ou Comme des Garçons. En 1984, Jean-Pierre Blanc décide de proposer un « festival qui ferait le lien entre les créateurs de mode et les professionnels » dans le cadre de son projet de diplôme de commerce international à Toulon. S’ensuivront deux défilés en ville avec les commerçants et les stylistes locaux. En 1986, le premier Salon des jeunes créateurs, comme on l’appelait alors, voit le jour dans une église désaffectée, avec le soutien de la Ville d’Hyères et du Conseil général du Var. 

Quatre ans plus tard, la Villa Noailles, partiellement restaurée, s’ouvre au public avec une première exposition de photographies de mode. Basé sur la spontanéité, la passion partagée pour la création et l’amitié, l’écosystème qui constitue l’une des plus grandes forces de la Villa et de ses festivals se met en place. En 1992, Didier Grumbach, à l’époque président de Thierry Mugler, accepte de présider le jury puis l’association Villa Noailles, en 1998 (aujourd’hui, Pascale Mussard assure cette fonction). « Je me souviens que Didier Grumbach a proposé un conseil d’administration qui était une dream team. Marie-Claude Beaud, Andrée Putman…, tous ont dit oui, ce qui était incroyable, car nous n’étions qu’une organisation locale. » 

Depuis de nombreuses éditions, un ancien hangar à sel, sur la presqu’île de Giens, accueille les défilés des finalistes du Festival mode.
Depuis de nombreuses éditions, un ancien hangar à sel, sur la presqu’île de Giens, accueille les défilés des finalistes du Festival mode. Luc Bertrand

Dès lors, les meilleurs viendront à Hyères. Tous sans exception. Karl Lagerfeld a été le directeur artistique de la 30e édition, en 2015 – un autre moment pivot. Même non exhaustive, l’énumération des présidents de jury parle d’elle-même : John Galliano, Martin Margiela, Azzedine Alaïa, Raf Simons, Christian Louboutin, Louise Trotter, Glenn Martens pour la mode. William Klein, Craig McDean, Sølve Sundsbø, Steve Hiett, Paolo Roversi, Dominique Issermann, Pierre Debusschere pour la photo. Autre rituel immanquable pour eux : à l’étage, la piscine de la Villa et la salle de squash les invitent à l’exercice, non pas physique, mais de style, en accueillant leurs expositions. Côté design, Ronan et Erwan Bouroullec, Jasper Morrison, Hella Jongerius, Konstantin Gcric, Naoto Fukasawa, Pierre Charpin, Max Lamb, Philippe Malouin ou Mathieu Lehanneur se sont successivement prêtés au jeu du flash-back, souvent par prototypes interposés. À Toulon, même exercice, mais en plus narratif – architecture intérieure oblige – relevé par India Mahdavi, Vincent Darré, François Champsaur, Pierre Yovanovitch ou Studio KO. 

Si la vague belge est toujours très puissante en mode (Sami Tillouche, Anthony Vaccarello, Jean-Paul Lespagnard, Tom Van Der Borght…), l’internationalisation des finalistes a bénéficié aux maisons françaises qui ont recruté pour leur direction artistique des candidats tels que Felipe Oliveira Baptista (ex-Lacoste et Kenzo), Anthony Vaccarello (Yves Saint Laurent), Julien Dossena (Paco Rabanne), Rushemy Botter et Lisi Herrebrugh (Nina Ricci). Depuis quelques saisons, on note au palmarès une présence de plus en plus affirmée des Finlandais, Suisses, Français et Britanniques. Côté photo, « les premières années du festival ont joué naturellement la carte de la connexion avec la mode, via Camille Vivier ou Ezra Petronio (directeur artistique de la revue Self Service, NDLR). Puis, Michel Mallard est arrivé et c’est devenu vraiment autre chose. Le design, lui, a toujours fait partie de la Villa, depuis Charles et Marie-Laure de Noailles. En 1996, nous avons organisé une exposition Christian Astuguevieille, puis Marc Newson, en 1997, les frères Bouroullec, en 1998, et les Radi Designers, en 2000. »

Cliché de la série « Crickets » de Laurence Kubski, l’une des dix finalistes du concours de photographie 2020 (à gauche). / Photo de Clémence Elman, en compétition pour le prix de la photographie American Vintage 2020. Cette année-là, il sera décernéà András Ladosci (à droite).
Cliché de la série « Crickets » de Laurence Kubski, l’une des dix finalistes du concours de photographie 2020 (à gauche). / Photo de Clémence Elman, en compétition pour le prix de la photographie American Vintage 2020. Cette année-là, il sera décerné
à András Ladosci (à droite). Clémence Elman / Laurence Kubski

En 2006, le premier Festival Design Parade était créé avec Catherine Geel. Résultat ? Les lauréats font souffler un vent de fraîcheur sur les éditeurs qui se ruent sur le palmarès : Julie Richoz chez Tectona, Hay ou Trame, Jean-Baptiste Fastrez chez Galerie Kreo et Moustache. Mais aussi Adrien Rovero, Samy Rio, Arthur Hoffner, Rikkert Paauw, Emmanuelle Simon, Kim Haddou et Florent Dufourcq, Céline Thibault et Géraud Pellottiero, Edgar Jayet et Victor Fleury… Sans oublier Alexandre Benjamin Navet dont les dessins colorés ornent la façade de l’Hôtel des Arts, à Toulon. Le Centre Pompidou y déroule dorénavant chaque été une exposition de design, la dernière en date scénographiée par Jean-Baptiste Fastrez (Grand Prix du jury Design Parade 2011). « Si cela tient contre vents et marées, c’est parce qu’il y a un soutien du public, de la presse et des artistes. C’est une aventure humaine avant tout, une histoire d’amitié, de confiance et certainement pas du marketing », conclut Jean-Pierre Blanc. Assurément, le plus beau cadeau d’anniversaire pour la Villa Noailles qui fêtera son 100e anniversaire en 2023. 

La villa Noailles et ses festivals en quelques dates 

  • 30 mars 1973 : la Ville d’Hyères rachète la Villa Noailles.
  • 1983 : début des travaux de restauration du bâtiment.
  • 1984 et 1985 : premiers défilés avec les commerçants et créateurs hyérois. 
  • 1986 : premier festival et concours de mode (alors appelé Salon des jeunes créateurs).
  • 1990 : première exposition de photos de mode à la Villa Noailles.
  • 1997 : premier festival et concours de photographie.
  • 2003 : la Villa Noailles est labellisée Centre d’art d’intérêt national (le premier en France).
  • 2006 : premier festival et concours de design (Festival Design Parade).
  • 2016 : premier festival et concours d’architecture intérieure (Design Parade Toulon). 
  • 2017 : premier festival et concours d’accessoires de mode.

Pour en savoir plus sur les dates des prochains festivals : Villanoailles.com