Bonnes adresses : à Reims, le restaurant Racine vaut le détour

Après avoir longtemps joué les seconds couteaux auprès des étoilés français qui les apprécient pour leur sérieux et leur technique, les cuisiniers japonais sortent de l’ombre. Pour Kazuyuki Tanaka, la quête de l’umami, la cinquième saveur, est le ferment commun de cette double culture.

À Reims, sur la place Oudinot, on peut voir la brigade travailler dès potron-minet. Ça taille, ça marine, ça rissole, ça braise. Pour Kazuyuki Tanaka, la gestuelle déployée en cuisine évoque d’abord celle de son père, cuisinier dans une brasserie franco-nippone de Fukuoka (sur l’île de Kyushu). Son grand-père, lui, a mitonné les plats de l’empereur Hirohito. En arrivant, sans un sou, sans amis et sans un mot de français, l’ancien footballeur pro réalise le rêve de son père.

Une double culture culinaire

S’enchaînent les apprentissages chez Gilles Tournadre, Emmanuel Renaut, les Marcon, David Zuddas, à Dijon, où il rencontre Marine, une grande jeune femme blonde, sa future épouse. Depuis l’ouverture de leur restaurant Racine (2015), c’est elle qui veille en coulisses : accueil, intendance, leurs deux enfants, les travaux de la nouvelle salle, 14 couverts seulement. Sur tout sauf sur les fourneaux, royaume de Kazu qui ne tarde pas à se faire remarquer : première étoile au Michelin, en 2017 ; la deuxième arrive en 2020, dans la même promotion que son compatriote, Kei Kobayashi, lauréat de trois macarons. Une consécration qui signe la montée en puissance des chefs japonais dans le paysage gastronomique hexagonal.

Le restaurant intimiste peut accueillir 14 couverts au maximum.
Le restaurant intimiste peut accueillir 14 couverts au maximum. Alexandra Battut

Une cuisine végétale

« La cuisine française des chefs de l’archipel est marquée d’une naturalité qui se traduit souvent par la profusion d’herbes et de fleurs. On s’attend à une saveur légère et fraîche, par définition courte. Or, chez Racine, la présence de végétaux souligne la formidable solidité sapide (qui a de la saveur, NDLR) qui reste longtemps en bouche. Cet umami ou “le goût de ce qui est bon” nécessite une construction, par la fermentation, la macération, l’assaisonnement, du temps et du repos », commente la journaliste culinaire Chihiro Masui, autrice du livre Racine, un Japonais à Reims. Pour autant, Kazuyuki Tanaka dit moins intellectualiser ses recettes que les façonner à l’instinct. Les plats, une quinzaine, qui composent son menu Daisuki (« adorer », en japonais) trouvent ainsi leur essence dans le travail de la terre de Champagne. A fortiori dans celui des vignerons avec lesquels sa cuisine tisse des liens sensibles et justes.

Racine. 6, place Oudinot, 51100 Reims. Tél. : 03 26 35 16 95. Menus : Suki 110 €, Daisuki 165 €, Kazuyuki 220 €.