Expo mode : à Londres, l’homme mis à nu

Pour la première fois de son histoire, le Victoria and Albert Museum, à Londres, explore l’évolution de la mode pour hommes à travers les vêtements qui ont marqué leur époque, mais aussi des personnalités qui ont pu les incarner. Une exposition qui tombe à pic, à une époque où les codes du genre sont plus que jamais remis en question.

Longtemps limité à une image officielle ultra-codifiée du mâle alpha, le canon masculin sort enfin du placard. « Son histoire est un voyage à travers le temps et les genres », déclarent Claire Wilcox et Rosalind McKever, les commissaires de l’exposition « Fashioning Masculinities : The Art of Menswear » (façonner les masculinités : l’art de la mode au masculin) au Victoria and Albert Museum (V&A). Focus sur l’expo mode la plus fascinante du moment. 

Une chronologie vestimentaire

Le créateur de mode Harris Reed (à gauche). / Vêtement maintenu par une structure métallique, l’une des créations protéiformes du Britannique Craig Green (à droite).
Le créateur de mode Harris Reed (à gauche). / Vêtement maintenu par une structure métallique, l’une des créations protéiformes du Britannique Craig Green (à droite). Amy Gwatkin / Giovanni Corabi

Riche d’une centaine de pièces de couture et autant d’œuvres d’art, le parcours initiatique s’organise à travers des galeries thématiques intitulées Undressed (déshabillé), Overdressed (trop habillé) et Redressed (rhabillé). De la reproduction de l’Apollon du Belvédère antique au costume décortiqué de Craig Green, on célèbre les standards de la beauté autant que l’on interroge nos préjugés. Ce retour sur le travail de pionniers comme Tom Ford, Raf Simons ou Jean Paul Gaultier ouvre ainsi la voie à des générations de créateurs inspirés par des définitions toujours plus fluides des genres.

Une évolution des mentalités

Le chanteur Sam Smith (à gauche). / Modèle de Nicholas Daley, qui rappelle l’importance de son héritage jamaïcain-écossais (à droite).
Le chanteur Sam Smith (à gauche). / Modèle de Nicholas Daley, qui rappelle l’importance de son héritage jamaïcain-écossais (à droite). alasdair-mclellan / man kit au-yeung

Pour preuve, les propositions vestimentaires de jeunes talents comme Adebayo Oke-Lawal, Harris Reed et Grace Wales Bonner. Sur le devant de la scène, les chanteurs pop Sam Smith et Harry Styles, dans les pas de David Bowie et Boy George, sont autant de muses de cette nouvelle donne. Ailleurs dans les salles, les tenues du label A-cold-wall, fondé par Samuel Ross en 2015, mettent l’accent sur la diversité des corps et la démocratisation du mouvement Body Positive, qui booste l’estime de soi. Sponsorisée par Gucci, l’exposition mode fait la part belle aux créations tout en offrant un précieux contexte historique et culturel.

Les traits androgynes d’Orlando, le personnage du roman éponyme de Virginia Woolf, donnent ainsi une autre dimension aux créations de Kim Jones pour Dior. « Vestis virum facit » (l’habit fait le moine), avait déclaré Érasme. C’est bien cet ancien adage que le musée se propose de déshabiller, pour mieux le reconstruire. 

> Expo mode « Fashioning Masculinities : The Art of Menswear », au Victoria and Albert Museum, jusqu’au 6 novembre. Cromwell Road, London, SW7 2RL. Tél. : +44 20 7942 2000. Vam.ac.uk