Exposition Christian Bérard Au théâtre de la vie : l’impossible monsieur Bébé

Au Palais Lumière, à Évian, l’exposition fait découvrir cet artiste, coqueluche du Tout-Paris de l’entre-deux-guerres, qui a sombré dans l’oubli, hormis chez les fous de dessins anciens de décors et de mode.

A Evian, « Bérard Au théâtre de la vie » est une première rétrospective qui rappelle qu’il était peintre la nuit et serial décorateur le jour, au théâtre, pour les magazines ou les salons chics.

Une âme d’artiste

Portrait de Damia, circa 1930, HST, 88,1 x 74,4 x 6,4 cm.
Portrait de Damia, circa 1930, HST, 88,1 x 74,4 x 6,4 cm. Collection particulière / mirela-popa

S’immerger dans les couleurs d’aquarelles de l’univers de Christian Bérard (1902-1949), c’est découvrir un artiste protéiforme et prolifique. En 1939, à La Méditerranée, un restaurant parisien, ses œuvres voisinent avec celles de son confrère Vertès (1895-1961). Paris bruisse encore de mille fêtes, Bérard est de tous les bals. Les aristocrates tendance Noailles s’arrachent « Bébé », pour intervenir chez eux… et s’y amuser.

Dans un témoignage audiovisuel, l’écrivaine Louise de Vilmorin décrit un corpulent poupon, angoissé, à la bohème très négligée, aspergé de Jicky de Guerlain avant de s’élancer vers des soirées déguisées. Rentré à point d’heure, sans retirer son smoking, Bérard peint, essuyant son pinceau sur sa manche ou sur son chien. Si ses portraits, natures mortes et paysages sont au centre du parcours de l’exposition, c’est que l’homme aurait surtout voulu être peintre, lui qui a commencé à montrer son travail au public dès l’âge de 24 ans. Pour les commissaires de l’exposition « Bérard Au théâtre de la vie» Jean-Pierre Pastori et William Saadé, l’impécunieux artiste a surtout été détourné par la mode.

Dessin pour Nina Ricci, pastel et aquarelle sur papier, 48 x 36 cm (à gauche). / Couverture du livre Meister des Ballets, d’André Levinson, signée et dédicacée (circa 1930) (à droite).
Dessin pour Nina Ricci, pastel et aquarelle sur papier, 48 x 36 cm (à gauche). / Couverture du livre Meister des Ballets, d’André Levinson, signée et dédicacée (circa 1930) (à droite). Mirela Popa

Côté décoration, c’est Jean-Michel Frank qui le sollicite, en 1939, pour le fabuleux trompe-l’œil de l’Institut Guerlain. À Évian, le visiteur peut lire un mot de Mlle Chanel le menaçant d’annuler son défilé s’il ne vient pas y dessiner. M. Dior l’adore aussi. Quant aux magazines Vogue et Harper’s Bazaar, ils déploient de véritables stratégies pour récupérer ses dessins, toujours en retard. Au théâtre, le grand Louis Jouvet qualifie ses décors de « capitaux de la mise en scène ». Côté ballets, en 1928, son émotivité lui fait tout renverser face à Serge de Diaghilev, des Ballets russes.

Enfin, ses illustrations de livres signées en font des pièces recherchées. Malheureusement, son addiction à l’opium, entre autres, a abrégé sa vie, laissant le souvenir d’un touche-à-tout mondain alors qu’il a enchanté la décoration et la mode. Le catalogue de l’exposition restitue parfaitement cette image de créateur sollicité, qui ignore les frontières entre art, design et mode.  

> « Bérard. Au théâtre de la vie ». Au Palais Lumière, quai Charles-Albert-Besson, 74500 Évian-les-Bains, jusqu’au 22 mai. Tél. : 04 50 83 15 90. Evian-tourisme.com